Il est grand, chauve et concerné. Jean-Sébastien Raud habite et travaille à Puteaux, à côté des grandes tours du quartier des affaires de la Défense à Paris. Au moment de l’attentat du 11-Septembre, il était dans le train entre Paris et Toulouse. « C’est un ami qui m’a appris la nouvelle en arrivant sur Toulouse. Quand il m’a annoncé cette nouvelle je ne l’ai pas cru. Il a fallu que je voie les images à la télé pour qu’il y ait un déclenchement chez moi, une sidération. »
« Mes mots à moi, ce sont les volumes »
Il se dit marqué à jamais par les images télévisées des victimes qui se jettent des fenêtres. Le soir même de l’attentat, il retrouve son réflexe artistique. Comme en 1989, lors de la chute du Mur de Berlin, où il avait décidé, à 17 ans, de faire de la sculpture un métier. « C’est d’ailleurs l’une de mes premières sculptures, une sculpture sur la construction européenne que j’ai réalisée et défendue au Parlement européen. » Le 11 septembre 2001, il tient à nouveau tête aux images qui bouleversent le monde. Son esprit missionnaire (« liberté », « paix », « résistance ») et sa démarche peuvent prêter à sourire. Un jeune Français de 29 ans qui s’apprête à consoler le désarroi des Américains après l’attentat le plus médiatisé de la planète. « Comme tout le monde, j’étais sidéré, il y en a qui ont pleuré, crié, d’autres ont eu la colère. Mes mots à moi, ce sont les volumes. Le soir, j’ai tout de suite eu la vision de cette sculpture. J’en ai fait des dessins et par la suite, dans les quinze jours ou trois semaines qui ont suivi, j’avais réalisé l’œuvre. »
« L’acte de créer est un acte de résistance »
A six mille kilomètres du lieu, il met la main à la pâte, crée son œuvre en hommage aux victimes du World Trade Center : « Il y avait un anéantissement de l’humanité. Beaucoup de nationalités et toutes les religions ont été touchées. C’est véritablement un crime contre l’humanité. » La sculpture est d’abord modelée en terre, ensuite en plâtre et enfin en bronze. « Oui, le bronze était évident. Mon travail est destiné aux générations d’aujourd’hui et évidemment aux générations du futur. L’idée est de transmettre. L’acte de créer est un acte de résistance. Cette résistance doit s’incarner dans un matériau qui est résistant. Le bronze est résistant. Ce bronze sera encore là dans dix mille ans ! Dans cent mille ans ! Pourquoi pas ? »
Jean-Sébastien Raud aspire à avoir réalisé une sorte de nouvelle statue de la Liberté, offerte en 1886 par les Français aux New-Yorkais pour le centenaire de leur déclaration d’indépendance. Lui aussi, il rêve d’offrir sa sculpture aux New-Yorkais. Et pourquoi pas ? Avec sa petite sculpture, il fait le poids, défie les millions d’images numérisées et des cauchemars intériorisés qui hantent notre mémoire. Deux tours humaines coulées en bronze, travaillées dans un matériel qui résiste à l’usure, sont une réponse pertinente à ce flot d’images sur le 11-Septembre qui attaque depuis dix ans nos cerveaux.
Numéro 52
Dans le registre du Mémorial national du 11-Septembre, sa sculpture a le numéro 52. Raud a été l’un des tout premiers artistes à témoigner sa solidarité et son empathie sous forme d’œuvre d’art. Jusqu’à aujourd’hui, il est le seul sculpteur français à avoir été choisi pour exposer son travail dans la galerie virtuelle du musée du 11-Septembre à New York. Sa sculpture a déjà parcouru plus que 15 000 kilomètres à travers du monde, mais elle n’a jamais été exposée en vrai ni dans la ville martyre ni ailleurs aux Etats-Unis. « Je suis actuellement dans l’attente d’une réponse du Maire de New York. Je n’ai pas eu de réaction. »
En attendant, il reste optimiste et achève actuellement un livre sur la sculpture et la philosophie. Si tout va bien, son bronze entrera en 2013 dans le futur Mémorial national du 11-Septembre à New York. Mais rien n’est joué pour le moment. Le bâtiment du futur mémorial est toujours en construction et jusqu’à son ouverture, la sculpture restera cantonnée dans la galerie virtuelle du musée.
Le site officiel de Jean-Sébastien Raud,
La page facebook de Jean-Sébastien Raud
Le site officiel du Mémorial national du 11-Septembre à New York
Une copie de la sculpture de W.T.C. est visible devant la caserne des pompiers au 106 rue de Verdun, 92800 Puteaux, France.