11-Septembre au cinéma : de la sidération à l’allégorie

On aurait pu imaginer que le 11 septembre 2001 suscite à Hollywood une filmographie aussi riche et réactive que la Seconde guerre mondiale ou la guerre du Vietnam. Or dix ans après, il n’en est rien. L’industrie du divertissement a, semble-t-il, préféré exorciser cet événement traumatique en produisant des films métaphoriques, ou bien en s’intéressant surtout à ses conséquences : les guerres en Afghanistan et en Irak.

En une décennie, le cinéma américain n’aura finalement produit que deux fictions directement liés à l’attaque des Twin Towers, des longs métrages tous deux sortis en 2006 : Vol 93 de Paul Greengrass (une production Universal) et World Trade Center, d’Oliver Stone (Paramount). Et dans les deux cas, il ne s’agit en aucun cas de fresques héroïques, mais bien plutôt de films intimistes confinés dans des espaces réduits : la carlingue du quatrième avion qui n'a pas atteint sa cible ce jour fatidique du fait de la résistance de passagers courageux (Vol 93) ou la bravoure de deux pompiers coincés sous les décombres d’une des deux tours effondrées (World Trade center).

Mais point de reconstitution tapageuse des deux avions percutant les deux tours. Il faut dire que la force de sidération de ces images, qui tournèrent en boucle sur les téléviseurs du monde entier le 11 septembre 2001 et les jours suivants, ne pourrait pas être égalée par des reconstructions cinématographiques. Il n’y a donc pas de nécessité, pour les cinéastes, à tenter de filmer ce qui a déjà été dévoilé. D’ailleurs dans le documentaire Fahrenheit 9/11 de Michael Moore (palme d’or du festival de Cannes en 2004), la scène la plus frappante cinématographiquement parlant est celle où George Bush, en visite dans une école maternelle, apprend la nouvelle des attentats. L’écran reste noir pendant que l’on entend le bruit du crash et les hurlements des passants.

Et puis l’industrie n’a peut-être pas investi ce domaine, car il est aussi financièrement peu rentables : Vol 93 et World Trade Center ont été des échecs au box office. Le public préfère sans doute se divertir avec des films qui lui font oublier ce traumatisme.

La guerre au cinéma

Du côté de la fiction, les réalisateurs se sont donc plutôt intéressés aux conséquences des attentats : la guerre contre le terrorisme, l'opération militaire en Afghanistan puis la guerre en Irak. Le critique de cinéma Emmanuel Burdeau estime même que cet événement traumatisant aurait eu un effet positif sur le cinéma américain, qui n’a pas cherché à produire des films manichéens ou de propagande, mais a sorti des films plus subtils, ambivalents, cherchant à équilibrer la terreur dont ont été victimes les Américains, et la terreur dont ils peuvent être les agents. Une ambivalence sans doute rendue possible par le retournement de l’opinion américaine contre la guerre après 2005.
 

C’est le cas avec Dans la vallée d’Elah, de Paul Haggis, l’enquête d’un père sur la disparition de son fils de retour d’Irak, ou bien encore Battle for Haditha de Nick Broomfield, sur l’une des pires bavures de la guerre d’Irak. Mais de tous ces films guerriers, Démineurs, de Kathryn Bigelow, couronné l’an dernier par l’Oscar du meilleur film sort du lot. Kathryn Bigelow qui prépare pour l’an prochain un long métrage sur la traque de Ben Laden.

Les métaphores
 

Depuis dix ans, outre ces films directement liés aux attaques terroristes ou à la guerre, c’est finalement tout le cinéma américain qui peut être interprété à l’ombre des deux tours mortes. Ce déferlement de films de super héros (nouveaux Spiderman, Batman, et maintenant Captain America) n’illustre-t-il pas la volonté métaphorique de l’Amérique de sortir vainqueur de l’affrontement du Bien contre le Mal (même si ces super héros peuvent être sombres et ambivalents, voire dans le doute) ?

Le début apocalyptique de la Guerre des mondes, de Steven Spielberg, ou le monde dévasté de La route (adapté du roman de Cormac Mac Carthy) ne font-ils pas écho aux craintes des Américains ayant perdu leurs repères… ?

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