Premier exportateur africain de pétrole, devant l’Angola, le Nigeria profite à peine de cette manne. Le secteur pétrolier est en effet gangréné par tous les maux possibles et imaginables dans un pays en développement : corruption, inefficacité, captation de la rente, violence endémique dans la région du delta du Niger. Résultat de cette situation, le Nigeria est incapable de produire l’énergie dont il a besoin. Son parc de raffinerie est largement insuffisant pour répondre à la demande intérieure en produits pétroliers qui doivent donc être importés. Cela n’empêche pourtant pas toutes les compagnies pétrolières internationales de se bousculer au portillon pour exploiter les gisements terrestres ou sous-marins dont regorge le Nigeria.
Eliminer le monopole de la NNPC
C’est pour remédier à cette situation que le président Umaru Yar’Adua avait imaginé une vaste réforme du secteur pétrolier. Une nouvelle loi pétrolière New Petroleum Industry Bill, plus connue sous son acronyme PIB, avait été rédigée par l’entourage présidentiel. Ce texte prévoit de scinder la compagnie pétrolière nationale, la NNPC (Nigeria National Petroleum Company) en plusieurs entités indépendantes et ouvertes aux capitaux privés. Depuis près de quarante ans, la NNPC couvre toute l’activité pétrolière, de l’exploration au raffinage. C’est un mastodonte d’incurie, en déficit permanent qui nuit aux finances et à la réputation du Nigeria.
Dans la nouvelle organisation pensée par le pouvoir nigérian, un organe politique, le Directorat pétrolier, présidera aux choix stratégiques. Un organisme d’inspection, indépendant du pouvoir politique sera mis sur pied. Son rôle sera de contrôler le comportement des différents acteurs du secteur pétrolier et d’accorder des licences d’exploitations aux différentes compagnies. Parmi les autres structures dont la création est envisagée par cette nouvelle loi pétrolière, la National Petroleum Assets Management Agency. Cette Napama se voit assigné pour rôle de gérer les taxes et royalties perçues par l’Etat nigérian. Sur le plan strictement opérationnel, l’objectif du président Umaru Yar’Adua était de développer la production gazière et pas seulement à des fins d’exportation mais au contraire pour profiter de la souplesse d’utilisation de cet hydrocarbure et d’en faire bénéficier une population nigériane cruellement privée de ressources énergétiques.
Les réticences des majors
Annoncée et présentée fin 2009, la Petroleum Industry Bill n’a toujours pas été adoptée par le Parlement nigérian. Son examen souffre en particulier des réticences et des pressions des compagnies pétrolières installées au Nigeria. Les « majors » que sont Chevron, Exxon, BP craignent la révision de la fiscalité. Elles font valoir que, dans sa version initiale, la nouvelle loi pourrait rendre beaucoup plus difficiles les investissements nécessaires à l’industrie pétrolière. Ceux-ci sont évalués à cinquante milliards de dollars.
Dès lors, la disparition du président Yar’Adua laisse planer des menaces sur le vote et l’entrée en vigueur de cette réforme. Son successeur, Goodluck Jonathan devra affronter une élection présidentielle dans un an. N’aura-t-il pas tendance à vouloir apaiser les tensions plutôt qu’à prendre le risque de réformer ? C’est la conviction de certains analystes. D’autres estiment au contraire que le président Jonathan continuera à réformer. N’a-t-il pas limogé le patron de la Nigeria National Petroleum Company et nommé au ministère du pétrole une femme issue de la région pétrolifère du delta du Niger ? Et une nouvelle loi accordant la préférence aux entreprises nigérianes dans les services aux compagnies pétrolières vient d’être votée. Umaru Yar’Adua est mort. Mais pas sa réforme.