Bilan d'étape des 5 ans de pontificat de Benoît XVI

Le 19 avril 2005, le cardinal Joseph Ratzinger est élu pape à l'âge de 78 ans au quatrième tour de scrutin au terme d'un des conclaves les plus courts de l’histoire. Quel bilan tirer de ces 5 années de pontificat marquées par une série de crises en décalage avec la personnalité même de ce pape qui passe pour un homme sensible , réservé et un intellectuel raffiné ? Les crises à répétition, liées pour beaucoup à des problèmes de communication et de gouvernance au sein de la curie, et pour la pédophilie de l'effet retard de ce dossier que traînait l'Eglise depuis des décennies, viennent brouiller le bilan d'étape d'un pontificat mouvementé. Un pontificat qui ne laisse indifférent ni les catholiques, ni l'opinion publique, et encore moins les médias dont une part a pris pour cible ces derniers mois le pape en personne.

A 83 ans Benoît XVI, seul dans la tourmente, doit assumer la lourde facture de la culture du silence de l'Eglise sur les agissements de prêtres pédophiles ces décennies passées. Ce cinquième anniversaire du pontificat de Benoît XVI est marqué par cette crise majeure qui discrédite au passage le prêtre et l’institution. Cette crise amplifiée par les précédentes : la polémique de Ratisbonne, l'affaire Williamson, les déclarations sur le préservatif, le soutien à la béatification du pape Pie XII, occulte le message d'un pontificat marqué par un souci du retour aux sources de la foi chrétienne, par une recherche obstinée de l'unité au sein de l'Eglise, par le souci de rapprochement avec le monde orthodoxe, par une poursuite du dialogue avec le monde juif et musulman même si ce chemin a été semé d'incompréhensions et de malentendus. Un pontificat dominé aussi par la volonté d'un pape de pointer du doigt tout ce qui peut déshumaniser nos sociétés et ruiner l'équilibre écologique de la planète.

C'est avec trois encycliques respectivement sur l’amour, l'espérance et la charité et un livre, Jésus de Nazareth, que le pape théologien a appelé les catholiques à revenir aux fondamentaux de la foi chrétienne avec toutes ses implications dans la vie sociale et économique. Pour tenter de mettre fin au schisme lefevriste, il a pratiqué la politique de la main tendue en libéralisant la messe en latin et en levant l'excommunication de quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X dont l'évêque négationniste Mgr Williamson. Geste incompris par bon nombre de catholiques et encore moins par l'opinion publique et qui s'est avéré improductif, les intégristes campant sur leurs positions quand il s'agit d'accepter certains acquis de Vatican II, notamment le dialogue interreligieux.

Rapprochement entre les religions

Si les milieux avertis du judaïsme ont compris les dysfonctionnements de la machine vaticane à l'origine de l'affaire Williamson, ils saisiront moins bien plus tard la décision de Benoît XVI de donner son feu vert à la béatification du pape Pie XII à qui il est reproché de ne pas avoir dénoncé publiquement pendant la Seconde Guerre mondiale la Shoah. Là encore, Benoît XVI, ardent artisan du rapprochement théologique avec le monde juif et convaincu de l'action souterraine de Pie XII en faveur des juifs, a pris le risque d'être sévèrement critiqué.

Avec le monde musulman, Benoît XVI a dû corriger le malaise laissé après le discours de Ratisbonne en 2006, réflexion à haute voix sur la question de la violence religieuse quand la foi est déconnectée de la raison et qui fut vécue alors comme un affront partiellement effacé avec sa visite à la Mosquée bleue d'Istanbul et au dôme du Rocher à Jérusalem.

Les maux de notre temps

Un des problèmes de Benoît XVI au cours des cinq années de son pontificat aura été de soulever des questions sur les maux de notre temps, qui peuvent aller de l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques à une déshumanisation de la sexualité, mais dont la formulation professorale se prête au raccourci voire à la déformation. L'exemple de la phrase sur le préservatif « qui aggrave » la pandémie du sida dans l'avion qui le menait au Cameroun est très révélateur à cet égard.

Treize voyages hors d'Italie, dont le Brésil, les Etats-Unis, la Turquie, le Cameroun, l'Angola, Israël, la Palestine, autant de pays clés pour un pape qui, disposant de peu d'années devant lui, doit limiter ses déplacements et se concentrer sur l'essentiel. C'est ainsi qu'il faut également analyser la tenue de deux synodes, celui sur l'Afrique en octobre 2009 à Rome et le prochain pour les Eglises d'Orient en octobre 2010 où il s'agit de rappeler le rôle de l'Eglise en matière de justice, de paix et de dignité humaine et de réaffirmer sa place quand elle est minoritaire et sévèrement menacée.

Les crises que Benoît XVI a dû affronter, et la plus grave celle des prêtres pédophiles, ont pour effet de biaiser le premier bilan de ce pontificat. La papauté et toute l'Eglise sont aujourd’hui fragilisées. Il s'agit pour Benoît XVI de redonner à l'institution les moyens de retrouver une crédibilité mise à mal. Un défi difficile à relever.

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