Avec notre envoyé spécial à Bichkek, Régis Genté
Pour l’opposition la réponse est claire : aucune négociation avec le président Kourmanbek Bakiev ! Rosa Otounbaïeva, la chef du gouvernement intérimaire a rappelé qu’il y avait eu 1 000 victimes dont 76 morts mercredi 7 avril, lors des affrontements, qui ont conduit au renversement du président Bakiev.
Néanmoins, derrière cette fermeté une fébrilité est palpable de la part du gouvernement de Rosa Otounbaïeva, qui rappelons-le, a pris le pouvoir lors d’une journée d’affrontement, et ne s’y attendait pas, d’autant plus que sa légitimité est encore défiée par Kourmanbek Bakiev. Le président déchu refuse de démissionner et a rappelé encore ce vendredi 9 avril, qu’il a été élu par le peuple, même s'il a omis de dire que les élections de juillet dernier étaient falsifiées, que le peuple ne le soutient plus… Peu importe, il est élu. De leur côté, les membres du gouvernement provisoire répètent aujourd’hui que M. Bakiev ne peut plus être président après avoir fait tirer sur la foule.
La stratégie du président Kourmanbek Bakiev
Le président Kourmanbek Bakiev a reconnu hier, lors d’une interview sur la radio BBC, qu’effectivement, il ne contrôlait plus l’armée ni la police. Qu’il n’avait plus les instruments du pouvoir dans les mains.Toutefois, on a l’impression qu’il tente de négocier sa liberté en agitant son pouvoir de nuisance.
Nous ne savons pas si c’est une ouverture ou pas de la part du gouvernement intérimaire, mais le chef de cabinet de Rosa Otounbaïeva a dit ce vendredi soir que c’est le frère du président, Janych Bakiev, l'ancien chef de la garde présidentielle qui a donné l’ordre de tirer sur la foule. C’est donc peut-être une manière de trouver une sorte de compromis et faire admettre à Kourmanbek Bakiev qu’il faut démissionner à présent.
Le président kirghize, réfugié dans le sud, a déjà assuré qu’il ne démissionnera pas. Son principal objectif est de prévenir une guerre civile. Il est également prêt à s’asseoir à la table des négociations avec l’opposition, laquelle a formé jeudi un gouvernement intérimaire, avec à sa tête l’ancienne ministre des Affaires étrangères, Rosa Otounbaïeva. Cette dernière, de son côté, a assuré qu’elle est prête à garantir la sécurité du président Bakiev s’il renonce à son fauteuil de président, pour lui permettre de quitter le pays.
Journée de deuil national
Ce vendredi était une journée de deuil et de funérailles à Bichkek pour les 76 personnes tuées mercredi lors des affrontements qui ont conduit au renversement du président Bakiev.
En début d’après-midi, la foule s’est réunie sur la place centrale de Bichkek pour un hommage collectif, avant qu’elle ne se sépare pour assister aux funérailles dans divers cimetières de la ville.
Une partie de cette foule est restée sur place, ainsi que devant la Maison Blanche, le siège du pouvoir, où la plupart des victimes sont tombées mercredi. L’émotion était forte devant les grilles du palais où étaient accrochées des photos des héros selon la tradition de cette république de l’Asie centrale. Les manifestants de mercredi racontaient les trois heures où les snipers, situés sur le toit de l’édifice, ont tué la plupart des victimes.
Des groupes parlaient politique, certains confiant leur peur du futur, les autres, l’espoir de voir un régime parlementaire se mettre en place.
A quelques pas de là, des jeunes d’à peine quinze ans continuaient à piller le parquet incendié mercredi. Peu après, un nouvel incendie s’est déclaré dans les pentes du bâtiment, que des pompiers bien démunis, parfois en chaussures de ville, ont aussitôt tenté d’éteindre.