Transports aériens : le mouvement de concentration s'accélère

Ça bouge dans le domaine du transport aérien. Après Air France-KLM, une nouvelle fusion s’opère en Europe entre British Airways et Iberia, alors qu’aux Etats-Unis, US Airways et United Airlines ont engagé à leur tour des négociations de rapprochement.

Incontestablement, le marché du transport aérien est entré dans une nouvelle ère, celle du regroupement des acteurs traditionnels qui se livraient jusqu’alors à une guerre féroce. Dernière preuve en date, l’accord de fusion signé entre la compagnie britannique British Airways et l'espagnole Iberia, une fusion qui donnera naissance à la deuxième compagnie aérienne d'Europe mais que les actionnaires respectifs doivent avaliser à la fin de l’année. Le nouveau couple imite en cela l'union entre Air France et KLM, ou celle de Lufthansa avec Austrian Airlines. Trois pôles se forment ainsi en Europe et il en ira probablement de même aux Etats-Unis, où les grandes compagnies emboîtent le pas aux européens.

Une sortie de crise mitigée

Selon l'IATA (l’Association internationale du transport aérien) le marché du transport aérien conjugue actuellement de sporadiques bonnes nouvelles et de grandes incertitudes pour le futur. Si le fret international a ainsi progressé en janvier 2010 de 28,3% sur un trimestre, le niveau global reste inférieur de 3% à 4% à celui de début 2008. Si la reprise est confirmée, elle est plus marquée dans l’Asie-Pacifique qu'en Europe.

Au niveau mondial, les compagnies aériennes enregistreront en 2010 - selon les prévisions de l’IATA - une perte de 2,8 milliards de dollars américains dont 2,2 milliards de dollars au passif des transporteurs européens. Les compagnies américaines ont également perdu beaucoup d’argent, tandis que leurs consœurs latino-américaines ont dégagé des profits.

Vers un nouveau modèle économique

Mais la crise du transport aérien, surtout celle qui touche l’Europe, remonte bien au-delà de la crise économique mondiale actuelle. Elle tire ses origines de deux facteurs: d’abord, le développement de l’internet, lequel a permis la vente en direct des billets. A titre d’exemple, avant internet, des compagnies européennes comme KLM ou Swissair transportaient plus de voyageurs qu’il n’y a d’habitants dans leurs propres pays. Elles attiraient des voyageurs des marchés périphériques qu’on séduisait, par diverses offres, pour passer en transit par ces petits pays européens. La vente en direct sur internet a permis aux voyageurs d’accéder aux lignes aériennes les plus rapides, sonnant le glas du modèle traditionnel.

Le second choc pour les compagnies traditionnelles fut l’arrivée des compagnies « low cost » qui ont sapé le marché du moyen courrier. Aussi, le modèle traditionnel, appelé par les Américains « legacy » par opposition au « low cost », s’est-il révélé inadapté. Il fallait trouver des recettes notamment pour le renouvellement des flottes, qui demandent beaucoup de capitaux. Le mouvement des alliances et des fusions dans le secteur s’est imposé naturellement comme la seule possibilité de réduire les coûts. Ce mouvement a commencé un peu avant les années 2000, avec Star Alliance, puis Sky Team et One World, jusqu’aux fusions pures et simples entre les compagnies traditionnelles.

Des mariages de circonstance

Trois grands pôles de compagnies aériennes régulières et trois grands pôles « low cost » jalonnent aujourd’hui l’Europe, à savoir d’un côté Lufthansa-Austrian, Air France-KLM et la nouvelle fusion British Airways-Ibéria et de l’autre, EasyJet, RyanAir et Air Berlin.

Le marché ne supportant plus un nombre élevé de transporteurs, la concentration devient ainsi obligatoire pour les compagnies traditionnelles. Mais elle s’avère difficile et très souvent à contrecœur. Même l’accord de fusion signé entre British Airways et Ibéria n’est pas encore définitif alors qu’on négocie depuis trois ans ! On s’en souvient, les Hollandais du KLM ne voulaient pas des Français, mais ils n’avaient pas le choix avec les Britanniques aux aguets qui voulaient les absorber. Les facteurs culturels sont, semble-t-il, à l’origine de la complexité de ces unions, alors que celle qui s’est opérée entre Lufthansa et Austrian a été relativement aisée.

En revanche, les négociations entre Lufthansa et LOT Airlines en Pologne s’avèrent plus ardues. Dans ces mariages forcés, chacun cherche des atouts complémentaires chez le voisin. British Airways a une offre orientée à 80% sur l’Asie et les Etats-Unis et a choisi Ibéria à la place de la TAP portugaise, avec qui l’entente est bien meilleure, car la première lui apportait un plus avec le marché de l’Amérique latine et du Moyen-Orient.

Les cas américain et asiatique, une forte domination du low cost

La tentation de la concentration n’est pas moindre aux Etats-Unis. La particularité du marché américain du transport aérien, est que le marché intérieur a été accaparé presque entièrement par les compagnies low cost, poussant les compagnies traditionnelles vers l’international. D’ailleurs, celles–ci sont des nouveaux venus dans le transport international, nombre d’entre elles ne faisaient que du transport national. Pour accélérer la prise de parts de marché, elles privilégient ainsi la concentration entre elles. Trois pôles de compagnies régulières y sont en voie de constitution. Il y a eu d’abord l’union entre Delta-Northwest achevée en 2008, US Airways et United Airlines commencent les négociations de fusion, et enfin American Airlines qui cherche un partenaire.

En Asie, les compagnies aériennes aussi, ont développé assez rapidement le modèle low cost, qui marche très bien comme Air Asia (Malaisie). Les compagnies qui ont persisté dans le modèle traditionnel calqué sur l’Europe de l’Ouest ont eu de très mauvais résultats. C’est le cas pour Japan Airlines déclarée en faillite ou pour les autres compagnies traditionnelles en Asie, comme Thai Airways, Malaysia Airlines, Philippine Airlines qui sont en mauvaise posture financière. Exception faite pour la compagnie australienne Qantas Airlines dont les bons résultats reposent en partie sur sa branche low cost. Exception faite également pour les compagnies qui font du tourisme « ethnique », comme Indian Airlines ou Air Lanka.

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