Rio de Janeiro : les habitants des favelas paient le prix d’une urbanisation sauvage

Rio de Janeiro en deuil se relevait avec peine mercredi 7 avril de ses intempéries meurtrières, une tragédie qui a fait au moins 102 morts, alors que les autorités étaient critiquées pour le chaos vécu par des millions de Cariocas qui vivent dans les favelas.

« Dieu est carioca » aiment se vanter les habitants de Rio de Janeiro avec cette nonchalance qui est la leur. Pourtant, depuis lundi 5 avril, les Cariocas ont du avoir l’impression que Dieu les a punis avec des déluges historiques. Au moins 102 personnes ont péri suite aux intempéries, ensevelies dans les glissements de terrain sur les collines qui surplombent la ville. Les autorités locales connaissent depuis longtemps la précarité des favelas situées dans ces zones. Pourtant, peu a été fait pour améliorer leurs conditions de vie.

Les « favelados » à Rio, toujours plus nombreux

Antony Dumas, Français installé à Rio de Janeiro depuis un an, n’en revient pas : « L’image la plus terrible que j’ai vue, c’était la célèbre colline, le « Morro de Mangeira », qui était presque totalement rasée et dont une bonne partie des habitations a disparu. ». Regardant à la télévision les images des maisons détruites et des rues inondées, ce père de famille sait qu’il a de la chance : « Moi, je vis à Copacabana, près de la plage, c’est un quartier huppé. Notre situation est très confortable par rapport à celle des habitants des favelas. »

En effet, ceux-là souffrent depuis des décennies non seulement de la violence, du trafic de drogues, de la pauvreté mais aussi d’un habitat de plus en plus précaire et insalubre. Presque deux millions de personnes vivent dans ces conditions déplorables. Leur nombre a quadruplé depuis les années 80. Les favelados représentent aujourd’hui un tiers de la population de l’Etat de Rio.

Que faire avec les favelas ?

Réagissant à cette situation, la mairie de Rio de Janeiro a lancé dans les années 90 le programme Favela-Bairro. Il s’agissait d’urbaniser les favelas en les transformant en quartiers officiels de la ville. Avec la construction de logements et d’infrastructures (canalisations, écoles, hôpitaux, postes de polices) les autorités locales ont voulu réinvestir ces espaces « hors la loi », créer des emplois et lutter contre le crime organisé.

Parallèlement, les habitants étaient délogés vers d’autres quartiers dans la périphérie de Rio. Sous l’impulsion du maire de Rio de Janeiro, Eduardo Paes, 112 communautés doivent quitter leurs favelas courant 2010. Les raisons invoquées par les autorités sont justement le risque de glissements de terrain et d’inondations.

L’échec des programmes d’urbanisation

Entre démolir ou urbaniser les quelque 900 bidonvilles, la mairie de Rio n’a pas encore tranché sa politique. Pour l’instant, elle poursuit les deux options. Avec des résultats toutefois très modestes. « Il manque une vraie volonté d’investir dans les favelas », estime le géographe brésilien Andrelino Campos. « Ces zones-là ne sont pas considérés comme prioritaires par les autorités politiques ». Selon ce professeur de l’Université d’Etat de Rio de Janeiro, pratiquement tous les programmes municipaux pour améliorer la vie des favelados ont échoué.

Conséquence : cette population reste très exposée aux risques d’anomalies climatiques. Le sociologue Segno Abranches explique qu’il n’existe aucun plan d'évacuation de la population qui vit dans ces zones sujettes à des glissements de terrain. Et l’ONG « Cuentas abiertas » révèle que le budget du gouvernement fédéral destiné à la prévention des catastrophes a chuté de 55 %, à 95 millions de dollars. Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a reconnu la gravité de la situation. Pour lui, les coupables sont les élus locaux. Ils auraient permis depuis 40 ans que les gens construisent illégalement leurs maisons de fortune sur les versants des collines.

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