Ce sont les « Aztèques » qui ont assassiné dimanche 14 mars Lesley Enriquez, employée du consulat des Etats-Unis à Ciudad Juarez, et son mari Arthur Redelfs, ainsi que, dans une attaque séparée, le Mexicain Jorge Alberto Salcido, époux d'une autre salariée du même consulat. Le gouvernement du Chihuahua, l'Etat du nord du Mexique dont Ciudad Juarez est la ville la plus importante, a désigné ce groupe d'hommes de main à la solde du cartel de Juarez comme l'auteur des meurtres perpétrés samedi.
Les trois victimes se trouvaient dans deux voitures distinctes lorsqu'elles ont été criblées de balles ; elles venaient de quitter un goûter d'anniversaire auquel s'étaient rendus, avec leurs enfants, plusieurs autres collaborateurs du consulat local des Etats-Unis, réputé être le plus grand de ce pays dans le monde : ses bâtiments fortement sécurisés occupent une surface de 16 000 mètres carrés.
La guerre des cartels
Ville immédiatement voisine d'El Paso au Texas, Ciudad Juarez est stratégiquement importante pour Washington, qui cherche à contenir la poussée migratoire massive s'exerçant sur sa frontière sud. Cette ville mexicaine, qui héberge beaucoup d'entreprises de sous-traitance travaillant pour le marché américain, et qui attire de nombreux candidats à l'immigration illégale vers les Etats-Unis, a d'ailleurs connu une explosion démographique ces dernières années.
Sa proximité avec les Etats-Unis a aussi fait de Ciudad Juarez une ville-phare du trafic de drogue à destination des consommateurs américains. Deux grands cartels, parce qu'ils cherchent à contrôler les routes de la contrebande et à s'approprier des parts de ce juteux marché, se disputent le territoire. Historiquement, le cartel de Juarez bénéficie de l'antériorité, mais d'autres gangs liés au narcotrafic, et en particulier le puissant cartel de Sinaloa basé plus au sud sur la côte Pacifique et dirigé par le redoutable Joaquin « Chapo Guzman », lui contestent la prééminence.
Cette situation de guerre mafieuse a fait de Ciudad Juarez une ville extrêmement dangereuse où les règlements de compte n'épargnent plus personne : 2 600 morts violentes liées au narcotrafic ont été dénombrées pour la seule année 2 009.
L'aide de Washington au président Calderon
Mais, à en croire les autorités mexicaines, les rafales d'armes automatiques qui ont fait trois morts samedi n'ont pas été tirées au hasard ; elles visaient les participants à ce goûter d'enfants, même si les motivations des tueurs restent mystérieuses. Le dernier citoyen des Etats-Unis victime de trafiquants de drogue au Mexique a été tué dans l'Etat de Durango il y a quelques mois, mais les sicaires des cartels ne s'en étaient pas pris jusque là au personnel diplomatique du pays voisin.
Barack Obama, qui s'est dit « profondément attristé et indigné », n'en continuera pas moins d'aider le président Felipe Calderon dans ses efforts pour combattre les cartels : le plan Merida, approuvé l'an dernier par le Congrès, a alloué dans ce but 1,3 milliards de dollars au gouvernement de Mexico. Par ailleurs, des Mexicains, chefs de bande notoires, ont maille à partir avec la justice des Etats-Unis qui a demandé et obtenu leur extradition. Washington avait également offert 5 millions de dollars de récompense pour la capture de Vicente Carrillo Fuentes, le chef du cartel de Juarez.
Que des ressortissants américains soient ainsi pris pour cible de l'autre côté de la frontière a en tout cas incité les Etats-Unis à prendre des mesures de précaution. Et à encourager par exemple les familles de leurs personnels diplomatiques à quitter les six villes du nord du Mexique où sont implantés des consulats américains, dont Ciudad Juarez, mais aussi Tijuana et Nuevo Laredo.