Carfizzi en Calabre, un petit village entre migrations et accueil

Dans une Italie du Sud où les migrants clandestins sont exploités par des employeurs peu scrupuleux pour des salaires de misère, le petit village de Carfizzi, fait office d'exception. Coincé dans les montagnes de Calabre, au-dessus de la ville de Crotone, qui accueille le plus grand centre d'accueil de clandestins d'Italie, le bourg est peuplé uniquement d'Arbëresh, ces Italiens d'origine albanaise venus des Balkans au XVe siècle pour fuir la conquête ottomane.

Engoncé dans un imperméable trop large pour lui, le maire du village, Carmine Maio, a le regard vif et la poigne de main vigoureuse. « Nos ancêtres ont traversé la mer Adriatique et aujourd'hui nos jeunes partent en Allemagne ou dans le nord de l'Italie pour chercher du travail. Nous avons presque tous connu l'expérience de l'émigration, aussi est-il normal que nous accueillions les réfugiés qui sont en danger dans leurs pays. Nous savons ce que l'exil veut dire ».

Depuis cinq siècles, la mémoire de cette migration perdure. « Ici, nous parlons arbëresh, un dialecte issu de l'albanais archaïque. Notre langue a traversé les siècles, mais elle est aujourd'hui en voie d' 'italianisation' rapide », soupire Maria, une jeune fille qui étudie l'albanais à la faculté de Cosenza. « Nous nous battons pour faire connaitre notre culture et perpétuer nos traditions, notamment en codifiant l'orthographe d'une langue restée jusqu'à présent orale ».
 

Carfizzi compte un millier d'habitants en période estivale, mais le village se vide l'hiver. Depuis déjà plus d'un siècle, les Arbëresh migrent massivement vers l'Amérique, l'Allemagne, la France et la Belgique. Aussi voit-on d'un bon œil l'installation de migrants dans le centre d'accueil du village, qui héberge des demandeurs d'asile en attente de régularisation. « J'ai eu beaucoup de chance d'arriver à Carfizzi », confirme dans un italien encore hésitant Tarek, un Afghan qui vit dans le village depuis deux ans. « J'aide les vieux paysans l'été, et l'hiver je travaille comme cantonnier. Je suis logé dans le village et je touche 450 euros par mois ».

Dans les rues de la bourgade, en plus de Tarek, on peut croiser un Irakien, deux Roumains, trois Nigérianes et une poignée d'Ethiopiennes. En sus de fournir des emplois, la mairie dispense des cours d'italien pour faciliter l'intégration des nouveaux venus. Non sans se réjouir quand ces nouveaux habitants du village se mettent aussi à parler l'ancienne langue arbëresh.


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