« Toutankhamon est mort jeune et sans héritier. Les égyptologues ont abondamment spéculé sur l'hypothèse de maladies héréditaires dans la famille
royale de la XVIIIe dynastie aussi bien que sur la cause de son décès après neuf ans sur le trône », explique Zahi Hawass, responsable des antiquités égyptiennes au musée du Caire, le principal auteur de cette étude.
Entre 2007 à 2009 , les chercheurs se sont appuyés sur plusieurs méthodes dont la radiologie et l'analyse d'ADN pour cette recherche effectuée sur seize momies dont onze, y compris celle de Toutankhamon, étaient apparemment membres de la famille royale. Les travaux de recherche visaient à déterminer les liens de parentés et de sang et l'existence de caractéristiques pathologiques héréditaires chez Toutankhamon.
Trois gènes liés au parasite Plasmodium falciparum
Conclusion des tests génétiques : les deux momies partagent plusieurs caractéristiques morphologiques uniques et ont le même groupe sanguin. Les auteurs de cette recherche ont aussi déterminé que la mère du jeune pharaon serait la momie KV35YL dont le nom reste inconnu. Ils ont aussi identifié sa grand mère, la reine Tye, mère d'Akhenaton.
« Ces résultats laissent penser qu'une circulation sanguine insuffisante des tissus osseux, affaiblissant ou détruisant une partie de l'os, combinée au paludisme, est la cause la plus probable de la mort de Toutankhamon » et ce à la suite d'une fracture, écrit Zahi Hawass. Ce diagnostic a pu être établi surtout grâce aux tests génétiques qui ont révélé une série de malformations dans la famille de Toutankhamon comme la maladie de Kohler qui détruit les cellules osseuses. « Ce diagnostic est conforté par la découverte dans sa tombe de canes et d'une pharmacie pour l'au-delà », précisent les chercheurs.
Les analyses d'ADN auraient également mis en évidence la présence de trois gènes liés au parasite Plasmodium falciparum, responsable du paludisme chez quatre des momies étudiées, dont celle de Toutankhamon. Une étude, donc, qui semblerait ouvrir la voie à une nouvelle approche de recherche en généalogie moléculaire et paléogénomique des pathogènes de la période pharaonique, selon les chercheurs.
Mais les conclusions ne font pas l'unanimité dans la communauté scientifique
Très critique, Abdel Halim Noureddine, ancien patron des antiquités égyptiennes et professeur d'archéologie à l'Université du Caire, déclare quant à lui « ne pas pouvoir dire de manière catégorique que les tests ADN puissent donner de vrais résultats sur des momies de plus de 3 500 ans ». Selon lui, « les tests ADN en archéologie ne sont pas suffisants. Il faut d'autres preuves archéologiques qui nous permettent d'établir avec certitude la généalogie de Toutankhamon ».
Bien que le corps embaumé de Toutankhamon ait été identifié et soit relativement bien conservé, certains spécialistes soulignent, en effet, les aléas de l'exercice appliqué à des dépouilles vieilles de plusieurs millénaires. Une première difficulté tient à l'état des éléments d'ADN prélevés sur des corps embaumés par des dizaines de personnes avec de nombreux produits, puis peut-être à nouveau manipulés lors de fouilles ou de pillages. Ainsi, par exemple, « des momies passées aux rayons-X par le passé peuvent aussi avoir un ADN abîmé. La momie de Ramsès II, traitée à la bombe au cobalt pour détruire les champignons qui la rongeaient », a désormais un ADN très dégradé.
« L'absence de momies totalement identifiées du côté des pères possibles du pharaon et des mères potentielles rend également problématique la comparaison de certains ADN », relèvent des experts. Marc Gabolde, spécialiste de cette période à l'université de Montpellier III (sud de la France), souligne par exemple qu’en ce qui concerne Toutankhamon, « le problème qui se pose est lié aux hypothèses historiques sur son ascendance », et à « l'incertitude sur l'identité d'un certain nombre de momies ».
Si une majorité d'historiens pense que Toutankhamon est le fils d'Akhénaton (Amenhotep IV), d'autres pensent au prédécesseur d'Akhénaton, le pharaon Amenhotep III, ou encore à son successeur, Smenkhkare. Quant à Néfertiti, épouse d'Akhénaton, cette dernière est souvent citée comme la mère du jeune pharaon, de même que Kiya, une épouse secondaire du même roi. A moins qu'il ne s'agisse de Maïa, régente et mère nourricière du jeune pharaon.
Dans un éditorial accompagnant l'étude, le Dr Howard Markel, de l'Université du Michigan (nord), considère que « cette recherche soulève des questions éthiques comme le fait de savoir si des personnages historiques ont le même droit au respect de leur vie privée après leur mort que des citoyens ordinaires ».