Bras de fer autour d'un président malade

Le Sénat d’Abuja a demandé, le mercredi 27 janvier 2010, au président Umaru Yar’Adua, hospitalisé depuis plus de deux mois en Arabie Saoudite de laisser le pouvoir à son vice-président Goodluck Jonathan, mais le gouvernement fait obstacle et déclare le président « apte à rester en fonction ». Des divergences se font également entendre dans la population. 

Le retour aux affaires du président Yar'Adua constitue une préoccupation depuis son départ pour des soins à l’étranger. De plus en plus nombreux sont les Nigérians qui pensent que l’état de santé du président et sa longue absence lui ont fait perdre la légitimité d’occuper le fauteuil présidentiel : « On a beaucoup de problèmes à résoudre, comme les crises, le terrorisme, avec Abdulmutallab et nous n’avons personne pour défendre le pays car il y a un vide. On ne peut pas vivre comme ça…», lance un Nigérian. « En raison de son état de santé, il n’aura pas la capacité de continuer à gérer le pays. Je crois qu’il devrait passer la main », ajoute une femme.

La décision du Sénat de faire transférer les pouvoirs présidentiels au vice-président constitue pour ainsi dire la solution rationnelle pour certains. Mais d’autres y voient une résolution qui n’aboutira finalement à rien : « Dans ce pays, les gens qui sont "là-haut" ne vont jamais accepter que quelqu’un du Sud dirige le pays, même pas pour une minute. Ils ne le feront pas, même si Yar'Adua meurt », conclut cette dernière personne interrogée.

Tout compte fait, la résolution du Sénat ne consiste pas à démettre le président de ses fonctions. Elle lui enjoint simplement d’adresser officiellement une lettre d’absence aux législateurs, pour se conformer à l’article 145 de la Constitution, ce qui automatiquement va transférer les pleins pouvoirs au vice-président.
 


Une absence qui perdure et qui suscite des inquiétudes

Voilà 65 jours que le président Umaru Yar'Adua n'est pas rentré au pays : aucune photo, aucune vidéo du président n'a été diffusée. Les Nigérians n'ont pu entendre qu'un bref entretien à la BBC, au cours duquel Umaru Yar’Adua semblait assez faible. Et pourtant le pays ne manque pas de problèmes à régler : violences interreligieuses, enlèvements et sabotages dans le Sud, pauvreté.

Du coup, le Sénat est monté au créneau, le mercredi 27 janvier, et a formellement demandé à Umaru Yar’Adua de transférer son pouvoir au vice-président Goodluck Jonathan. Mais le gouvernement nigérian a tout de suite répondu par la négative.

La décision des sénateurs a été prise à l'unanimité, malgré le contrôle de l'hémicycle par le Parti démocratique du peuple (PDP) d'Umaru Yar'Adua qui compte 89 sièges  sur les 109 de la chambre haute du Parlement nigérian. Et, comme on pouvait s'y attendre, la demande a immédiatement été rejetée par le gouvernement.

Mais cette demande sonne tout de même comme une nouvelle étape vers une destitution du président Umaru Yar'Adua. Le vendredi 22 janvier, la Haute cour fédérale de justice d’Abuja avait déjà tranché le débat sur cette absence prolongée. Elle avait alors donné un délai de 14 jours au président pour donner des assurances claires sur sa capacité, ou non, à diriger le pays, car Umaru Yar'Adua ne s'est exprimé qu'une fois il y a une dizaine de jours à la radio.

La voix faible, le président avait alors dit espérer faire de sérieux progrès et retourner dans son pays pour reprendre ses fonctions. Cette courte déclaration a pu permettre d'affirmer avec certitude que le président nigérian est bien vivant, mais elle n'a pas mis pas pour autant fin à la crise politique.

En tout cas, pour qu'il y ait passage de témoin, deux étapes et non des moindres doivent être franchies : l’approbation des deux tiers des ministres du gouvernement, puis l’établissement d’un rapport médical par cinq médecins prouvant l'incapacité du président à diriger le pays. 

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