Le chef de la police de cet Etat du centre-nord du Nigeria est formel : « Tout est rentré dans l'ordre ». Mais la ville de Jos est toujours sous haute surveillance. Après des jours de violences entre chrétiens et musulmans qui ont fait des centaines de morts – on parle de 300 tués, ainsi que de milliers de blessés et 50 000 déplacés -, les autorités ont décidé d’assouplir le couvre-feu et de le lever et partiellement. Des dizaines de milliers de déplacés ont été ont regroupés dans une dizaine de camps de fortune. Ils manquent de tout, de nourriture, d'eau, de médicaments.
La ville de Jos est toujours quadrillée par l'armée, ce qui semble avoir permis de rétablir un semblant d'ordre dans cette ville du centre du pays. Mais les affrontements se sont déplacés mercredi 20 janvier en banlieue.
Cinq jours après le début des affrontements interreligieux, la communauté musulmane a dénoncé l'inaction du gouvernement local. Elle estime être la principale victime de ces attaques, selon Sani Mudi, porte-parole de la communauté musulmane de la ville de Jos : « Le gouverneur de l'Etat, lui-même, n'a rien fait jusqu'à présent pour restaurer la confiance de la communauté musulmane ou pour restaurer un dialogue entre chrétiens et musulmans. Après les affrontements de dimanche, on s'attendait à être convoqué par le gouverneur pour tenter de trouver une solution tous ensemble. Mais il n'a rien fait, pour nous les musulmans, en tout cas. Je suis sûr qu'il n'abandonne pas sa propre communauté, les chrétiens. La police aussi a pris le parti des chrétiens. Ce n'est pas la première fois. C'était déjà le cas en 2008 ».
Le même porte-parole de la communauté musulmane de Jos s’est ainsi tourné vers les autorités fédérales d’Abuja pour restaurer le dialogue : « L'Etat du Plateau n'a pas à être pro-chrétien. Nous voulons que nos droits soient reconnus, nous voulons être protégés comme n'importe quelle autre communauté. C'est inscrit dans la Constitution nigériane. Tous les citoyens sont égaux. C'est pourquoi nous nous tournons aujourd'hui vers l'Etat fédéral pour qu'il prenne les mesures appropriées pour restaurer le dialogue. Car c'est ça le problème principal, le manque de communication ».
De son côté, l'archevêque de Jos et co-président du Conseil interreligieux de l'Etat du Plateau pour la paix a dénoncé, lui aussi, l'inaction des gouvernements, local et fédéral. Mais Monseigneur Ignatius Kaigama a démenti tout favoritisme des autorités à l'égard des chrétiens : « C'est évidemment un échec pour les autorités. Sinon, pourquoi cela arriverait-il encore et encore ? Elles n'ont jamais étudié les véritables causes de ces violences. On ne nous a jamais demandé de développer une stratégie pour régler les problèmes. Et en cela, je ne pense pas que les chrétiens soient favorisés. En tant qu'archevêque de Jos, je n'ai pas droit à une protection particulière, ni même pour ma cathédrale ».
L’archevêque de Jos a également dénoncé les luttes politiques dans l’Etat du Plateau : « À chaque nouvelle crise, chrétiens et musulmans s'accusent les uns les autres. Mais c'est avant tout un problème politique. Certains responsables utilisent la religion comme une arme, ils exploitent le caractère très religieux des Nigérians, musulmans comme chrétiens. La vérité, c'est qu'il existe dans l'Etat du Plateau une lutte politique pour imposer la suprématie d'une ethnie sur les autres et pour s'accaparer les ressources. À chaque fois qu'il y a un incident mineur impliquant des musulmans et des chrétiens - sur un marché, par exemple -, cela leur suffit pour parler de guerre de religion. Qualifier ces affrontements d'interreligieux les arrange. Et je pense qu'on devrait plutôt s'occuper des racines du mal ».