De notre correspondante à Santiago
Tout se joue désormais à un cheveu, ou comme on dit en espagnol « à un nez ». Selon l’institut Mori qui a publié, mercredi 13 janvier 2010, le dernier sondage du second tour, le candidat de l’opposition, Sebastian Piñera, devancerait Eduardo Frei de seulement 1,8 %, c’est-à-dire de presque 125 000 voix. Le candidat de la coalition au pouvoir, la « Concertacion », a réussi une remontée impressionante depuis le premier tour, il y a un mois, où il avait obtenu 29,6 % des voix face aux 44 % du candidat de droite. « Piñera a un avantage qui a plus de probabilités de se confirmer que d'être annulé », a toutefois souligné la directrice de Mori, Marta Lagos. Les deux coups de théâtre de cette semaine ont peut-être pesé dans la balance.
D’abord, mercredi 13 janvier, le candidat indépendant du premier tour qui a obtenu 20 % des voix, le Franco-Chilien Marco Enriquez-Ominami a apporté son soutien à Frei. « Ce qui me sépare de la droite est un abîme, a-t-il déclaré. Comment pourrait-il en être autrement quand une grande partie du secteur qui soutient Sebastian Piñera a mis en deuil notre patrie ? Ils sont complices de ceux qui ont assassiné mon père (Miguel Enriquez, fondateur du Mouvement de la gauche révolutionnaire, tué en 1974 par les militaires) ».
Une attaque qui aurait été soufflée, selon le quotidien La Tercera, par le publicitaire français Jacques Séguéla, que l’ancien député de 36 ans consulte régulièrement. Marco a souligné aussi que les deux candidats sont « des personnages du passé avec lesquels on ne peut pas construire le futur ». Il n’a pas même cité le nom d’Eduardo Frei, pas non plus donné de consigne de vote à ses partisans. Un soutien si tiède que certains analystes estiment qu’il serait inutile pour Frei.
La présidente Michelle Bachelet, qui bénéficie d’une popularité record de 81 %, est sortie jeudi 14 janvier 2010 apporter un énergique soutien au candidat de sa coalition. Elle vote pour Frei « parce que c’est une personne honnête qui, en plus, dès le début, quand il a commencé à consacrer sa vie à la politique, s’est séparé de ses entreprises ». Une critique non voilée au candidat de l’opposition, Sebastian Piñera, ancien sénateur (1990-1998), ancien président de son parti Rénovation nationale et homme d’affaires milliardaire.
Instaurer une ambiance de victoire
S’il a mis sous tutelle la gestion de ses actions, il s’est engagé, une fois élu, à vendre celles de la compagnie aérienne Lan, dont il est actionnaire majoritaire. Elles ont grimpé de 36 %. Le candidat de l’étoile multicolore qui a innondé le Chili, possède toujours l’une des principales chaînes de télévision hertzienne, Chilevision, et le prestigieux club de football Colo-Colo.
Jusqu’au dernier moment, la coalition au pouvoir aura tenté d’instaurer une ambiance de victoire pour son candidat afin d’éviter le défaitisme de ses partisans et de motiver le vote des indécis en sa faveur. Eduardo Frei, comme la présidente Bachelet, ont appelé à ne pas voter blanc ou nul. Selon l’institut Mori, ce vote se situerait autour de 7 % .
L’enjeu pour Sebastian Piñera est d’attiser le mécontentement des Chiliens contre la coalition au pouvoir pour se présenter d’autant mieux comme le candidat du « changement », qui fera « mieux ». Tandis que son institut publiait vendredi 15 janvier 2010 des résultats démontrant une forte corruption du gouvernement de la présidente sortante – des résultats qui restent à confirmer -, le candidat, qui n’a pas exclu de nommer d’anciens fonctionnaires d’Augusto Pinochet dans son gouvernement, a lancé : « Ça ferait du bien à la Concertacion de recommencer à vivre comme tous les Chiliens, ce n’est pas si mal de se lever tôt, de travailler honnêtement ».
Il tente également de revernir son image d’homme froid. Mercredi, il interprétait la chorégraphie de Thriller, de Michael Jackson, sur les plateaux de télévision.