Loi sécurité à Hong Kong: la police arrête le patron de presse contestataire Jimmy Lai

Jimmy Lai est l'une des principales figures du mouvement pro-démocratie. Il a été arrêté ce lundi 10 août en vertu de la nouvelle loi sur la sécurité nationale, ont annoncé un de ses proches et une source policière. Peu après, des dizaines de policiers hong-kongais ont réalisé une perquisition dans les locaux de son quotidien Apple Daily, ouvertement critique de Pékin.

« Ils l'ont arrêté chez lui vers 7h du matin, heure locale [minuit TU]. Nos avocats sont en route pour le poste de police », a déclaré à l'AFP Mark Simon. Selon ce proche collaborateur de Jimmy Lai, d'autres membres de son groupe de presse ont, eux aussi, été arrêtés. C'est une nouvelle étape dans la reprise en main musclée de l'ex-colonie britannique par Pékin.

Peu auparavant, Mark Simon avait annoncé sur Twitter que l'arrestation du richissime septuagénaire était en cours et que des policiers effectuaient des perquisitions à son domicile et à celui de son fils : « Jimmy Lai est en train d'être arrêté en ce moment pour collusion avec des puissances étrangères ».

Dans un communiqué, la police a fait état de sept arrestations pour des soupçons de collusion avec des forces étrangères – une des infractions visées par la loi sur la sécurité nationale qui a été imposée fin juin par Pékin et dont la peine de prison peut aller jusqu'à la perpétuité – et fraude.

Parmi les sept personnes arrêtées, âgées de 39 à 72 ans, deux des enfants de Jimmy Lai et plusieurs cadres de son groupe de presse d’opposition Next Digital.

La rédaction du Apple Daily perquisitionnée 

Les images des 200 policiers envahissant les locaux du journal, filmées et retransmises en direct en ligne, ont choqué, comme si elles signaient la fin d’une liberté essentielle pour les Hong-kongais : la liberté d’expression, qu’aucun titre n’incarnait mieux que le Apple Daily, éternel détracteur du gouvernement et du Parti communiste chinois, rapporte notre correspondante à Hong Kong, Florence de Changy

« Je n’ai jamais vu une perquisition de police d’une telle ampleur, très envahissante, très intimidante ! C’est effrayant pour les journalistes », explique Chris Yeung, le président de l’association des journalistes de Hong Kong. 

« Hong Kong n’a jamais rien connu de tel. Nous savions que cela pouvait arriver dans des villes ou des pays sous-développés où il n’y a pas de liberté de la presse ni de respect pour les droits de l’homme, mais que cela arrive aujourd’hui à Hong Kong…C’est une journée très triste pour les médias de Hong Kong. »

Les Hong-kongais ont réagi en achetant tous les journaux du groupe disponibles en kiosque et ont promis d’en faire autant demain même s’il ne publiait que des pages blanches. À la bourse, après avoir perdu jusqu’à 18% dans la session du matin, l’action du groupe a rebondi de plus de 340% suite à un mouvement d’achat de solidarité pour soutenir le groupe dans cet épisode très grave. Preuve de sa popularité au sein de la population. 

Héros à Hong Kong, traître pour Pékin

Jimmy Lai, 72 ans, est le propriétaire de deux publications ouvertement pro-démocratie et critiques envers Pékin, Next Magazine et le quotidien Apple Daily, dont les bureaux sont situés dans un immeuble d'un quartier industriel de la périphérie de Hong Kong.

Le fondateur du célèbre titre force le respect de beaucoup de Hong-kongais non seulement par son histoire exceptionnelle - il a commencé en étant très pauvre et a connu un succès extraordinaire dans les affaires - mais aussi par son courage, et même sa témérité dans son acharnement à tenir tête à Pékin.

Pour de nombreux habitants de Hong Kong, Jimmy Lai est un héros, un propriétaire de presse combatif et le seul magnat du territoire semi-autonome qui ose critiquer Pékin.

Mais dans les médias officiels chinois, il est dénoncé comme un « traître », un inspirateur des immenses manifestations pro-démocratie à Hong Kong et le chef d'un groupe de personnalités accusées de conspirer avec des nations étrangères pour nuire à la Chine.

D'ailleurs, ce lundi, Pékin a salué l'arrestation du patron de presse.

« Prêt à aller en prison »

À la mi-juin, deux semaines avant l'imposition de la nouvelle loi sur la sécurité nationale, Jimmy Lai déclarait à l'AFP qu'il s'attendait à être arrêté. « Je suis prêt à aller en prison, disait-il. Si cela arrive, j'aurai l'opportunité de lire des livres que je n'ai pas encore lus. La seule chose que je puisse faire est d'être positif ».

Il décrivait alors la nouvelle loi comme « le glas pour Hong Kong ». Selon lui, « elle va remplacer notre régime légal et détruire notre statut financier international ».

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