Avec notre envoyé spécial à Hong Kong, Stéphane Lagarde
Les trottoirs et les rues du district de Hung Hom de la presqu’île de Kwoloon, où se trouve l’université polytechnique de la ville, épicentre de 24 semaines de contestation, portent encore les marques des affrontements de ces derniers jours.
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Veste, basket et micro-casque sur les oreilles, le candidat pro-démocratie Kwan Siu Lun, 38 ans, reçoit les sourires des passants, mais aussi des critiques. « Ici c’était une zone de guerre il y a quelques jours. La police était là et les protestataires ont tenté de passer par cette avenue pour rejoindre l’université. Voyez la barrière arrachée, les manifestants en ont fait des barricades ! Montre le candidat. L’opinion est divisée. Certains sont pour les étudiants, mais d’autres pensent qu’il s’agit de destructions et certains nous le reprochent. Ils disent : vous vous battez pour la démocratie et en même temps vous détruisez notre communauté. »
Le passage piéton retient un instant ceux qu’il faut convaincre. Il y a une semaine, les sondages traduisaient un fort mécontentent de la population vis-à-vis du gouvernement. Les violences et les dégradations à l’Université polytechnique au bout de l’avenue peuvent-elles changer l’opinion ? Le feu va passer va bientôt passer au vert, le temps d’un dernier slogan. « Démocratie pour notre communauté de quartier. Et certaines personnes âgées ne comprennent pas la démocratie, elles ne veulent que la stabilité. Elles pensent que les protestataires détruisent la stabilité sociale et elles ne sont pas contentes », affirme-t-il.
Démocratie ou stabilité. Les deux ne sont pas incompatibles affirme le camp démocrate, qui rejette la responsabilité de la crise sur un exécutif qui n’a pas écouté les millions de manifestants pacifiques dans les rues de Hong Kong au début du mouvement en juin dernier.
Ne pas avoir peur de la Chine
La vendeuse de légumes tente d’arrêter les voyageurs pressés sortant de la gare routière de Siu Hong après leur journée de travail. L’endroit est stratégique pour distribuer les tracts de campagne. Entre 17 000 et 25 000 électeurs doivent voter dimanche pour élire le conseiller du district de Tuen Mun dans les nouveaux territoires de Hong Kong.
Chemise blanche, jean, fines lunettes, à 41 ans, Léo Chan est candidat à sa réélection. Cette année, le scrutin a pris une tournure différente, souligne-t-il. « Habituellement, ce sont des questions de circulation et de conditions de vie qui préoccupent les électeurs. Mais avec le mouvement social, les élections de district sont plus politiques. Les gens ne font plus attention à ce que vous avez fait pour eux, ils veulent savoir si vous êtes pro-démocratie ou pro-gouvernement », explique-t-il.
Et Léo Chan est pro-gouvernement, pro-Pékin, disent même ces détracteurs. C’est d’ailleurs là qu’il a fait ses études il y a 20 ans. Le district est situé à la dernière station avant la Chine continentale, dont il ne faut pas avoir peur selon lui. La Chine serait même une seconde chance pour les jeunes hongkongais en terme notamment d’opportunité d’emploi.
Un discours que ne partagent pas visiblement une partie des jeunes administrés du district qui ont recouvert les passerelles près de la gare routière de tags contre le pouvoir chinois. La société est divisée après cinq mois de contestation, certains électeurs craindraient d’aller voter. « Ces derniers mois, nous avons vu des protestataires s’en prendre aux commerces, attaquer des passants. Alors les gens s’interrogent : est-ce qu’il y aura des violences le jour du scrutin ? Suis-je en sécurité pour aller voter ? La plupart des Hongkongais sont pour la paix, il faut qu’on puisse voter », estime-t-il.
Et pour des questions de sécurité, le bureau de vote a été déplacé un peu plus loin, de l’université à une école maternelle, ce qui n’arrange pas le candidat pro-gouvernement qui compte de nombreux électeurs âgés.