Inde: réputé proche du gouvernement, le groupe IABM veut surveiller les médias

Les atteintes à la liberté de la presse et d’expression se multiplient ces dernières années en Inde. Censure, autocensure des médias, parfois même assassinat de journalistes… les critiques envers le gouvernement nationaliste hindou deviennent risquées. À la mi-août, deux ultranationalistes ont lancé une autoproclamée vigie des médias appelée Indians Against Biased Media : une initiative largement perçue comme une volonté de censurer et d’intimider les journalistes qui ne sont pas à la botte.

De notre correspondant à New Delhi,

Le groupe Indians against biased media (« Indiens contre les médias biaisés », en français) a été fondé par Vipul Saxena, un ancien pilote et ingénieur aéronautique, et Vibhor Anand, un avocat à la Cour suprême indienne. Cela ferait deux ans qu’ils travaillent sur ce projet selon eux, mais ils ont fait leur apparition sur Twitter à la mi-août avec le compte IABM24x7.

Ils affirment vouloir combattre les fake news ou ce qu’ils estiment être de la propagande allant à l’encontre de l’intérêt national. Leur stratégie est donc de traîner devant les tribunaux les personnes qu’ils accusent de propager de fausses informations.

Parmi les cibles, des journalistes, un youtuber et une actrice critiques du gouvernement

Le duo affirme avoir une équipe d’experts juridiques à ses côtés qui « s’occupe des personnes circulant des informations fausses, tronquées ou biaises, susceptibles d’exacerber les tensions sociales ou interreligieuses, inciter à la violence, ou manquer de respect à des personnes à haute responsabilité comme le Premier ministre ».

Plusieurs journalistes ont été les cibles de ce groupe. Notamment ceux qui ont publié des tweets suite à l’attentat à l’arme à feu présumé du 13 août contre un leader étudiant réputé hostile à la politique de l’actuel gouvernement indien.

Un youtuber ainsi qu’une actrice s’y trouvent également. Ils avaient posté sur Twitter la photo d’un civil attaché par l’armée sur le capot d’une Jeep dans la région du Cachemire, afin de l’utiliser comme bouclier humain. Un incident pourtant bien réel qui avait choqué l’Inde et la communauté internationale en 2017. Au moment des faits, une bonne partie de la droite nationaliste avait toutefois défendu l’action de l’armée dans cette région en proie au séparatisme, où les militaires indiens sont régulièrement la cible d’attaques.

Un groupe travaillant pour le gouvernement ?

Les fondateurs de ce groupe se défendent de travailler à la solde du gouvernement et nient toute affiliation politique. Il est d’ailleurs probable qu’ils ne soient pas directement affiliés au Bharatiya Janata Party (BJP), le parti nationaliste hindou au pouvoir. Ils nient également être un organisme de surveillance des médias.

Cependant, leurs actions sont dans la ligne de la censure et de l’intimidation qui menace la presse critique du gouvernement ces dernières années. Les membres de cette cellule ont jusqu’à présent utilisé exclusivement deux articles du Code pénal indien qui punissent « la volonté de provoquer pour provoquer des violences » et « la promotion de l’hostilité entre différentes communautés ». Des notions qui restent vagues et libres à interprétation.

Avant l’apparition du groupe IABM, ces articles ont été utilisés pour faire taire de nombreux journalistes indiens s’attaquant à la droite hindouiste, souvent faute de pouvoir les poursuivre pour diffamation.

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