Avec notre envoyé spécial à Lombok, Joël Bronner
Quand on pénètre dans l’aéroport de Lombok, le spectacle qui saute aux yeux, c’est d’abord des dizaines de touristes, assis ou allongés sur le sol un peu partout.
Et parmi tous ces touristes qui attendent encore un vol pour pouvoir quitter l’île de Lombok, ils sont nombreux à présenter des signes évidents de traumatisme. Pour ne rien arranger, ils n’ont pratiquement pas dormi depuis deux nuits. Concrètement, ils ressassent et revivent en boucle les histoires de murs qui s’effondrent. A l’image de cette mère de famille qui préférait rester à l’intérieur de l’aéroport avec sa fille plutôt que de louer un hôtel à l’extérieur, parce que pendant le séisme, le bâtiment qu’elle louait leur est tombé dessus.
Idem pour Charlotte, 28 ans, qui racontait avec un débit extrêmement rapide sa nuit sur la plage, à subir les répliques du séisme en observant si les structures alentours n’allaient pas s’effondrer. Autre exemple, un Finlandais, qui avait une trentaine d’années, était à deux doigts de fondre en larmes lorsqu’il évoquait les longues heures d’attente d’un bateau sur la plage, sans eau, alors que le propriétaire de son hôtel avait déjà quitté l’île depuis longtemps.
Enfin dernier point, le sentiment, qui participe de ce traumatisme, de se faire dépouiller par les populations locales du nord de l’île a été présent puisque les populations demandaient des sommes astronomiques pour acheminer les visiteurs jusqu’à l’aéroport. Et cela a fini de choquer des touristes déjà fatigués et diminués.
«Encore beaucoup de victimes sous les décombres»
L'aide arrive au compte-gouttes à Lombok où les dégâts sont très importants et les habitants démunis. Joint par RFI, Lalu Wisnu Pradipta de la Fondation ENDRI, qui vient en aide aux populations locales, fait le point de la situation.
« Il y a encore beaucoup de panique. Parce que la logistique, les secours ne vont pas assez vite. L'électricité n'est pas rétablie. Il n'y a plus d'eau courante. Il manque des bâches, de l'équipement, des médicaments, y compris pour les enfants. Il y a des ponts qui sont tombés, qu'on ne peut plus utiliser. Du coup, les axes vers les centres de secours sont complètement bouchés.
On a aussi des problèmes de sécurité avec des pillages. Les gens n'ont plus rien, ils se servent dans les magasins qui ont été touchés. Et puis, il y a encore beaucoup de victimes sous les décombres. Que ce soit chez les habitants ou dans les mosquées. Parce qu'il n'y pas assez de personnel pour les évacuations.
Au niveau des hôpitaux, c'est compliqué, les gens viennent mais la plupart du matériel a été envoyé sur le terrain ou sorti sous des tentes en cas de réplique du tremblement de terre. Le gouvernement fait ce qu'il peut, mais la bureaucratie ralentit le processus. Il faut qu'ils enregistrent tout le monde. Et l'aide arrive très lentement jusqu'à la population. »
Le témoignage de Martin, évacué de l'île de Gili Trawangan
Martin, 21 ans, était sur l’île de Gili Trawangan lorsque la terre a tremblé. Après avoir passé la nuit sur une colline pour cause d’alerte tsunami, ce touriste français a passé la journée à attendre des bateaux pour évacuer l'île. RFI l'a joint au téléphone : « Les plages étaient noires de monde. Tout le monde était avec ses bagages à attendre, à essayer de chercher de l’ombre. Et ensuite ils commençaient à avoir faim. Cela faisait plus de 12 heures qu’on attendait. Les gens n’avaient pas mangé (...). La nuit, on n’a rien eu, le matin on n’a rien eu. Il n’y avait aucune organisation. En fait, il n’y a pas d’autorité sur cette île, il n’y a pas de police, il n’y a rien du tout. C’est aussi pour cela que c’est connu, c’est fait pour faire la fête. Là, le piège a commencé. Les rues qui étaient un peu désertes se sont remplies et les gens cherchaient des vivres, rentraient dans les épiceries pour trouver de l’eau, des choses qui se mangent. Il y avait quelques restaurants très gentils, qui faisaient à manger, qui faisaient du café. »
« Après, il n’y en avait vraiment pas pour tout le monde, raconte encore Martin. Il y avait des queues d’une heure environ. Dès qu’ils n’avaient plus rien à donner, ils dirigeaient vers un autre endroit. Et le temps d’aller à cet endroit, pareil, c’était vide. Du coup, il y a eu beaucoup de pillages. Nous-mêmes, on a dû rentrer dans une épicerie pour prendre de l’eau. On n‘a pas eu de vrai repas depuis 24 heures. Donc, on commence un petit peu à avoir mal à la tête. Mais ça ne va pas durer longtemps. Et surtout, on est très soulagés d’avoir pu trouver un bateau pour rejoindre Bali. »
Charlotte, une Française qui a vécu le séisme en direct