Avec notre correspondant à New Delhi, Sébastien Farcis
Ce mercredi à Gurgaon, la cité d'affaires de New Delhi, un bus scolaire est caillassé. Les enfants, terrorisés, se réfugient sous les sièges. Dehors, c'est un climat de révolte urbaine. Comme dans plusieurs Etats du nord de l'Inde, des centaines de jeunes enragés brûlent les voitures ou saccagent des cinémas, afin d'empêcher la diffusion du film Padmavaat. Ils répondent à l'appel d'un groupe radical de la caste des Rajputs.
Celui-ci affirme que Bollywood est en train de souiller la mémoire d'une de leurs reines mythiques du XIVe siècle. L'histoire est tirée d'une fable, quasiment personne n'a encore vu le film, mais qu'importe, c'est l'honneur de cette communauté guerrière qui serait en jeu.
Selon Gaurav Bose, producteur de film à Bombay, ce rare niveau de violence est très préoccupant. « Les gens n'acceptent plus que l'on parle de leur histoire si on ne fait pas partie de leur communauté. Ce n'est même plus un problème de contenu, c'est simplement qu'ils s'arrogent le monopole de ce récit. Et en tant que réalisateur de films, c'est une situation très délicate. Car en Inde, nous avons 50 religions, 50 groupes politiques et sociaux, avec 50 versions différentes de leur histoire. Et il est donc très difficile de ne pas vexer l'un d'entre eux. »
Les propriétaires de salles de quatre Etats indiens ont déjà cédé à la menace, et refusé de diffuser Padmaavat par peur de subir de nouvelles violences.