Afghanistan: le gouvernement craint un soulèvement à Balkh, dans le nord

En Afghanistan, un gouverneur de province éprouve le gouvernement d’union nationale, faisant craindre une crise politique. Mohammad Atta Noor, gouverneur d’une province dans le nord du pays, a été limogé par le président, mais il refuse de quitter le poste qu’il occupe depuis 13 ans, promettant un désastre sécuritaire dans sa zone. Les autorités gouvernementales craignent un soulèvement de la population. L’homme fort du Nord a entamé une épreuve de force avec le gouvernement afghan, déjà très fragile.

De notre correspondante à Kaboul,

Depuis 13 ans, Mohammad Atta Noor gouverne l’une des 34 provinces que compte l’Afghanistan. La province septentrionale de Balkh, située dans le nord du pays, est frontalière de l’Ouzbékistan. Sa capitale, Mazar-e-Sharif, est une ville d’une grande propreté, aux larges rues, aux ronds-points soignés financés par des compagnies privées. Aucun mur de béton armé ne protège la ville d’éventuelles attaques dans cette ville, contrairement à Kaboul. Mais cela ne signifie pas que la ville en est épargnée. Seulement, les attaques y sont moins fréquentes.

La province de Balkh a connu un important développement économique ces dernières années et Mohammad Atta Noor, son gouverneur, extrêmement riche et très influent, n’y est pas étranger. Surnommé « l’Empereur du nord », il apparait toujours avec une allure soignée, en costume-cravate, la barbe parfaitement taillée.

Celui qui a tenu d’une main de fer durant 13 années la province de Balkh est aussi à la tête du parti Jamaat-e-islami, l’un des plus importants de la scène politique afghane auquel appartient aussi le chef de l’exécutif : Abdullah Abdullah. L’ancien gouverneur de Balkh a toujours représenté un casse-tête pour le pouvoir central et il le montre encore une fois en refusant de quitter son poste alors que le président l’a limogé.

Le gouverneur de Balkh savait depuis deux semaines qu’il était remercié. Mais ce n’est qu’une fois l’information rendue publique qu’il a commencé une campagne de déstabilisation du pouvoir central. « J’ai dit à plusieurs reprises que personne ne pouvait me retirer mon poste par décret », a-t-il scandé devant une foule de 2000 personnes rassemblées à Mazar-e-Sharif quelques jours après le début de sa révolte contre l’exécutif.

« Vos dents ne nous atteindront pas »

De plus, le gouvernement d’union nationale est composé à moitié de membres de son parti, s’est-il targué avant de s’en prendre personnellement à Abdullah Abdullah, le numéro deux du gouvernement, issu du même parti politique que lui, le Jamaat-e-islami. L’accusant d’avoir manigancé contre lui, il l’a même qualifié de serpent. « Vos dents ne nous atteindront pas, a-t-il déclaré avant de rajouter, nous les briserons ! » alors que la foule scandait « Mort au docteur Abdullah ».

Mohammad Atta Noor a appelé au soulèvement populaire tout en affirmant que le général Dostum, autre homme fort du nord de l’Afghanistan, exilé en Turquie après des accusations de séquestrations et de viols par l’un de ses adversaires politiques, lui a promis son soutien, mettant à sa disposition toute sa milice armée.

Une issue pacifique attendue par l’exécutif

Après avoir gardé le silence quelques jours, le chef de l’exécutif a fini par faire une déclaration. Abdullah Abdullah a affirmé que cette démission forcée de Mohammad Atta Noor n’était pas de son ressort, mais qu’il espérait qu’une issue pacifique serait trouvée afin de ne pas affecter le système. La réaction du gouverneur de Balkh montre, encore une fois, à quel point le gouvernement d’union nationale est fragile.

Depuis sa mise en place en 2014 après les élections dont l’issue dans les urnes a été largement contestée, les dissensions internes se sont succédé, à commencer par le sommet du gouvernement. La Constitution adoptée alors stipulait que le poste de chef de l’exécutif devait être transformé en poste de Premier ministre. Cela n’a pourtant toujours pas été réalisé, si bien qu’Abdullah Abdullah, après avoir eu des relations très tendues avec le président Ashraf Ghani, semble avoir pris le parti de patienter en ne faisant plus de déclarations acerbes et critiques dans les médias.

Il est depuis accusé de passivité et de ne pas jouer son rôle. Un point sur lequel insiste le gouverneur de Balkh qui n’a néanmoins pas réussi à rassembler les foules en dehors de sa province. Des négociations en coulisse sont toujours en cours et c’est sûrement par-là que passera une résolution à cette crise politique.

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