Avec notre correspondante à Pékin, Heike Schmidt
Avec Song Tao, la Chine envoie un diplomate chevronné dans la capitale nord-coréenne : membre du puissant comité central, ex-ambassadeur aux Philippines et aujourd'hui responsable du « bureau de liaison internationale » du parti communiste, il est l'un des derniers hauts dirigeants à avoir rencontré Kim Jong-un, en octobre 2015.
Ce déplacement intervient quelques jours après la fin d'une tournée de Donald Trump en Asie, durant laquelle le programme nucléaire et balistique de Pyongyang a été au coeur des discussions. C'est « un geste important, on verra ce qu'il va se passer », a réagi Donald Trump.
Mais avant même le départ de Song Tao ce vendredi, le ministère des Affaires étrangères chinois a douché les espoirs de la Maison Blanche qui pousse Pékin à exercer une pression maximale sur son turbulent allié. Cette rencontre n'a rien à voir avec la visite, le 9 novembre, du président américain à Pékin, a fait comprendre le porte-parole Geng Shuang : « L'objectif, dit-il, est de faire un compte-rendu à Pyongyang du récent congrès du parti communiste et d'échanger sur des dossiers d'intérêt commun. »
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« La Chine essaye avant tout de faire bonne figure, estime Juliette Morillot
spécialiste de la péninsule coréenne (auteure de La Corée du Nord en 100 questions), au micro de RFI. Sa stratégie habituelle est toujours de frapper fort dans un premier temps, de se placer dans le concert des nations, dans le cas précis avec Donald Trump, ou alors de voter les sanctions. Et puis après, elle fait un petit peu machine arrière, et elle commence à négocier. C’est sa position actuelle. Mais elle ne souhaite pas un effondrement de la Corée du Nord. »
Objectif de Pékin : conserver la stabilité régionale
Pékin insiste par ailleurs sur sa proposition d'un « double moratoire » : l'arrêt des essais nucléaires de Pyongyang contre celui des manœuvres militaires menées par les Américains avec la Corée du Sud. Un plan auquel Washington s'oppose farouchement. Cette mise au point chinoise contredit donc un tweet de Donald Trump. Ce dernier avait écrit que Xi Jinping lui avait promis d'exercer son influence sur la Corée du Nord pour parvenir à sa dénucléarisation. Propos immédiatement démentis par la Chine, qui avait indiqué que sa position sur le dossier nord-coréen restait « inchangée et sans équivoque ».
« La Chine, tout comme comme la Russie, sont partisanes l’une et l’autre du "double freeze", c’est-à-dire d’une part une dénucléarisation de la part de la Corée du Nord en échange de quoi il y aurait des pas de la part des Etats-Unis et de la Corée du Sud, notamment l’arrêt des manœuvres militaires conjointes. L’émissaire va en parler à Pyongyang. On ne sait pas si il va rencontrer Kim Jong-un, mais de toutes les façons Pyongyang est opposé à une telle solution, il y a des liens de méfiances entre les deux pays. Donc, officiellement, la Chine se place du côté des Etats-Unis, mais dans la réalité c’est un autre discours », analyse Juliette Morillot.
Dans les faits, cette visite diplomatique devrait surtout consister à soigner des liens particulièrement détériorés entre les Chinois et les Nord-Coréens. Il s'agit plutôt, selon « d'enjoindre Pyongyang à ne pas se radicaliser à l'extrême », selon Yuan Jingdong, expert de l'Asie du Sud-est à l'université de Sydney, interrogé par l'AFP.
Car la priorité chinoise reste le maintien de la stabilité régionale. L'envoyé spécial Song Tao devrait probablement « garantir à Kim (Jong-Un) que s'il se comporte raisonnablement, Pékin continuera de l'aider ». Conformément aux sanctions onusiennes qu'elle a approuvées, la Chine a interrompu ses achats de charbon, minerais et fruits de mer nord-coréens, et imposé de surcroît des restrictions bancaires. Pour autant, hantée par la perspective d'un effondrement chaotique du régime stalinien situé à sa porte, elle poursuit son soutien, notamment via ses exportations pétrolières.