De notre correspondant à Séoul,
« Moonppa » est un terme péjoratif : il désigne les partisans trop enthousiastes – ou fanatiques selon leurs détracteurs - du nouveau président Moon Jae-in. Ils seraient plusieurs dizaines de milliers d’internautes, regroupés sur plusieurs forums très actifs. Ces « cyber-gardiens » considèrent que le suicide en 2009 d’une icône de la mouvance progressiste sud-coréenne, l’ancien président Roh Moo-hyun, avait été provoqué, entre autres, par la couverture médiatique très négative dont il avait été victime, y compris à gauche.
Ils ont donc décidé de recourir à un cyber-activisme effréné pour défendre leur président. Ils répondent à toute critique envers Moon Jae-in par des déluges de commentaires et de messages sur les réseaux sociaux. Un harcèlement en ligne qui vise aussi les politiciens et les médias progressistes : le Hankyoreh, un grand quotidien de centre gauche en a récemment fait les frais. Le journal s’est vu accusé de ne pas prendre suffisamment parti pour Moon Jae-in et sa publication en couverture, fin mai, d’une photo jugée peu flatteuse du président a provoqué une nouvelle avalanche de critiques.
Un rédacteur du journal, excédé, a répondu à ces reproches par un message sur Facebook, message qui se terminait par les mots suivants : « je vous attends les Moonppa, venez-vous battre ! » Et se battre ils sont venus, obligeant le rédacteur à publier dès le lendemain une lettre d’excuses.
Des méthodes virulentes
Autre exemple de cette cyber-force de frappe : un député conservateur accusait le fils du nouveau Premier ministre d’avoir échappé au service militaire obligatoire alors que son propre fils en avait fait autant. Son numéro de portable personnel a été diffusé en ligne et le politicien a été bombardé de textos lui reprochant son hypocrisie ce qui l’a obligé à adoucir ses critiques.
Le quotidien Joongang Ilbo s’inquiète : selon lui, certains commentateurs politiques s’autocensurent et les journalistes doivent maintenant soupeser chacun de leurs mots, de peur de cyber-représailles. Ce journal conservateur consacre une demi-page au phénomène et cite la chef de campagne d’un adversaire de Moon, qui assure que cette force de frappe en ligne aurait eu une influence sur le résultat des élections, que Moon Jae-in a remporté avec une avance considérable.
Le site Korea Exposé, de son côté, souligne que le président lui-même en fait très peu pour freiner l’ardeur de ses cyber-gardiens qualifiant même leur comportement « d’épice qui rend la compétition intéressante ».