Avec notre correspondant à Tokyo, Frédéric Charles
Après avoir prié à Pearl Harbor pour les victimes de l’attaque surprise japonaise, le Premier ministre Shinzo Abe, connu pour ses velléités de minimiser les atrocités commises par le Japon durant la période militariste, rappelle aujourd’hui son ambassadeur à Séoul. Il prend la mouche en apprenant qu’une statue à la mémoire des esclaves sexuelles de l’armée impériale japonaise a été réinstallée devant le consulat japonais de Busan en Corée du Sud.
Ce revirement s’explique par la visite de la ministre japonaise de la Défense au sanctuaire de Yasukuni à Tokyo où sont honorés, parmi les morts pour la patrie, des criminels de guerre japonais.
Tomomi Inada, une négationniste et protégée de Shinzo Abe, s’était rendue à Yasukuni à son retour de Pearl Harbor. Le Japon et la Corée du Sud, proches par la culture et la géographie, politisent toujours leur histoire. L’orgueil national les aveugle. La Corée du Sud n’oublie pas la colonisation japonaise et le Japon, lui, cherche à tourner la page.
■ Un vieux sujet de tension
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la question des femmes de réconfort a toujours été à l’origine de fortes tensions entre les deux pays. Environ 200 000 femmes auraient été concernées par ces « viols organisés » entre 1910 et 1945, principalement des Coréennes mais aussi des Chinoises, des Philippines, des Indonésiennes. Une vingtaine de monument ont été érigés à leur mémoire en Corée du Sud, et une dizaine dans d’autres pays comme les Etats-Unis et le Canada.
Lors de son arrivée au pouvoir en 2013, la présidente sud-coréenne Park Geun-Hye avait conditionné les rencontres bilatérales Séoul-Tokyo au règlement de cette question. Ce qui a abouti à la signature d’un accord en décembre 2015 : Tokyo y présentait des excuses et s’engageait à verser à une fondation coréenne un milliard de yens pour les 46 femmes de réconfort survivantes. Tokyo qui estime que la page est donc tournée et ne comprend pas pourquoi une nouvelle statue a été érigée à Busan.
Mais l’accord avait été mal perçu par les survivantes, qui n’avaient pas apprécié que le Japon parle, au sujet de la somme, versée d’ « aide » et non de « réparation ». Et la visite de la ministre japonaise de la Défense au sanctuaire Yazukuni a décidé Séoul à autoriser la statue de Busan, qu'elle avait d'abord fait enlever.