Salon d'automne à Paris: quand l'Inde se livre...

Les livres indiens sont à l’honneur dans la mairie du XXe arrondissement de Paris, ces 19 et 20 novembre 2016. Un week-end de rencontres, de débats, d’animations et de spectacles autour de l’Inde, sa littérature, sa spiritualité, les combats de ses femmes contre une société dominée par les hommes et les enjeux géopolitiques de son émergence.

Un an après l’annulation de son édition 2015 qui devait se tenir au lendemain des attentats du 13 novembre, le salon L’Inde des livres est de nouveau au rendez-vous cette année. « Nous fûmes l’une des victimes collatérales de cette tragédie nationale, se souvient le fondateur de la manifestation Douglas Greyssieux, mais le concept a survécu aux pertes que cette annulation a causée sur le moment, tant en terme financier qu’en terme d’énergie et d’enthousiasme. »

L’Inde des livres est en effet une manifestation unique. Depuis six ans, elle se tient chaque année, l’espace d’un week-end en mi-novembre, dans les salles d’apparat de la mairie du XXe arrondissement de Paris et s'organise autour des publications liées à ce pays-civilisation qu’est l’Inde. L’édition 2016, qui a ouvert ses portes dans l’après-midi du 19 novembre, n’a pas dérogé à la règle et a réuni cette année encore, dès le premier jour, son public habituel de passionnés et de connaisseurs de l’Inde.

La plus grande librairie indienne de France et de Navarre

Les livres constituent la principale attraction de cette manifestation. Pendant les deux jours que dure l’événement, la salle de réception de la mairie devient la plus grande librairie indienne de France et de Navarre, avec l'exposition des sorties récentes, mais aussi quelques-uns des succès indémodables tels que le Bhagavadgita, le grand texte sacré de l’hindouisme, des biographies de Gandhi et des livres de recettes de cuisine indienne.

« Nous avons rassemblé ici près de 3 000 livres », explique Michel Stievenard de la librairie parisienne L’Arbre à lettres, qui est chargée cette année de coordonner le volet librairie de la manifestation. Elle propose une offre aussi nombreuse que variée. « Les domaines couverts par les livres présentés vont de la spiritualité aux publications pour la jeunesse, en passant par la littérature contemporaine, la géopolitique, la sociologie, la musicologie, l’écologie, l’astrologie, sans oublier la BD et les textes religieux classiques », poursuit le libraire, qui reconnaît avoir été bluffé par la diversité du corpus d’ouvrages relatifs à l’Inde qui existent en traduction française.

Libraire généraliste, Michel Stievenard était manifestement heureux de se retrouver dans cet espace aussi vaste que dix fois sa librairie parisienne. Il n'a pas oublié de souligner le travail important fait par sa collaboratrice Laura Picro, une « mordue de l’Inde » pour réunir en un temps record cette large sélection de livres indiens dans la langue de Molière.

Les comptoirs de l’Inde

A l’origine de L’Inde des livres, il y a une association parisienne qui rassemble la diaspora indienne de Paris et les Français enfants et petits-enfants des administrateurs coloniaux desanciens comptoirs français de l'Inde. La France a transféré la souveraineté de ses possessions indiennes dès les années 1950 à l’Inde devenue indépendante depuis 1947. Cette association qui se veut un lieu d’information et de documentation sur les anciens comptoirs français où les destins des deux peuples se sont croisés pendant trois siècles, a eu la riche idée, il y a six ans, de créer cette manifestation consacrée aux livres - un événement dont la portée dépasse largement l’histoire et la géographie de la présence coloniale française en Inde.

La programmation du salon témoigne du souci des organisateurs de donner à voir à travers des rencontres thématiques la réalité de l’Inde dans son ensemble, même s’il y a une tendance à mettre l’accent sur les aspects folkloriques de ce pays tels que l’astrologie, le yoga, la spiritualité. Cette tendance s’est malheureusement amplifiée au cours des dernières éditions où le folklorique semble avoir pris le dessus sur des thématiques de fond qui avaient fait des premières éditions un rendez-vous incontournable pour des Indianistes. Ceux-ci ont depuis déserté la rencontre.

Il n’en reste pas moins que certaines des séances thématiques font encore salle comble, comme cela a été le cas cette année pour les rencontres autour de l’évolution de la vie politique indienne (« Où va l’Inde ? »), ou encore la famille indienne à la croisée des chemins (« Portraits de famille »). Les débats étaient de qualité et plutôt soutenus, notamment à la rencontre consacrée à la famille et aux rôles des femmes au sein des unités familiales, malgré quelques approximations et clichés rectifiés promptement par l’animatrice et par la salle. Les discussions et les témoignages ont porté sur le statut précaire de la femme en Inde, les viols qui restent impunis et les petites filles défavorisées au sein de la famille traditionnelle au profit de leurs frères, qui sont des « garçons-rois ».

Le clou de la programmation de ce week-end indien demeure toutefois la rencontre avec

des écrivains invités. Amit Chaudhuri et Jerry Pinto, deux auteurs anglophones, à l’honneur cette année. Auteur de plusieurs romans et d’essais sur la pensée littéraire contemporaine indienne, Amit Chaudhuri s’est signalé à l’attention par sa prédilection pour des formes brèves, plus proches de la sensibilité intimiste à la Tagore que celle des magico-réalistes comme Salman Rushdie. Quant à Jerry Pinto, auteur d’un roman très remarqué sur la famille dysfonctionnelle indienne (Nous l’appelions Em, éditions Actes Sud, 2015), a tenu le public en haleine en leur racontant les secrets de l'édition indienne, dont la réception prodigieuse et inattendue de l’œuvre de Gabriel Garcia Marquez, apparemment traduits en langues vernaculaires de l'Inde avant même que le maître colombien ne soit traduit en anglais. Enfin, le programme de ce dimanche 20 novembre prévoit des rencontres sur la poésie indienne et le polar avec la participation de Jerry Pinto, auteur à verbe haute et d’un roman policier à succès (Murder in Mahim, pas encore traduit en français). (1)


(1) Pour le programme du salon L’Inde des livres, consultez le site internet de l’Association organisatrice: comptoirs-inde@wanadoo.f

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