Chine: il y a un an, l'accident industriel majeur de Tianjin

« Le port de Tianjin, centre mondial de l’innovation et du dynamisme ». Le 12 août 2015, cette image que la ville côtière de 15 millions d’habitants voulait se donner a volé en éclats, et la Chine a connu l’une des pires catastrophes industrielles de son histoire. Un entrepôt qui stockait plus de 3 000 tonnes de produits chimiques a explosé, causant la mort de 165 personnes, dont 99 pompiers appelés sur place, et faisant aussi 800 blessés.

Avec notre correspondante en Chine,  Heike Schmidt

A la place du cratère qu’a laissé l’explosion de l’entrepôt de produits chimiques, des amas de terre s’accumulent désormais, couverts par une bâche verte. C’est ici qu’un « éco-parc » aurait dû ouvrir cet été. Juste à côté : une école en briques rouges flambant neuve doit accueillir des élèves à partir de la rentrée.

La facture directe du drame s’élève à 1 milliard d’euros. Depuis, les autorités tentent de faire oublier le désastre. Les baies vitrées des résidences aux alentours, soufflées par la déflagration, ont été remplacées. Les façades noircies, repeintes. Il ne manque plus qu'une chose : les habitants.

Evacués suite à la catastrophe meurtrière de l'an passé, très peu de résidents ont trouvé le courage de revenir. « Ce sont ceux qui n’avaient pas les moyens d'aller ailleurs. Le gouvernement nous a donné deux choix : soit on recevait de l’argent pour rénover notre appartement, soit on vendait. Moi, j’ai choisi la vente », explique Li Tian, qui a vécu la catastrophe. « Trop de gens sont morts ici », ajoute-t-il.

Corruption et laxisme sur la sécurité industrielle, mais pas de sanction

Bon nombre d'habitants se méfient du gouvernement local, qui assure que tout a été nettoyé. « La pollution m’inquiétait trop (...) D'ailleurs, je suis étonné que certains aient oublié la catastrophe si rapidement. Peut-être que ceux qui n’étaient pas là pendant la nuit de la catastrophe ne s’inquiètent pas trop des produits toxiques qui étaient stockés ici », s'interroge Li Tian.

Il suffit de faire le tour du site pour constater que des débris traînent encore un peu partout. Sont-ils toxiques ? Personne n’ose poser de question dérangeante, car en échange du dédommagement, les habitants ont été priés de se taire. Le Premier ministre Li Keqiang avait martelé que toute la lumière serait faite, mais l'opacité règne.

L’enquête a tout de même mis en lumière l’ampleur de la corruption et du laxisme en matière de sécurité industrielle. Quelque 123 personnes, dont cinq au niveau ministériel, sont poursuivies. Mais aucun tribunal n’a encore prononcé la moindre peine.

« Il y en aura encore, même si le gouvernement a appris la leçon du sang »

Parmi ceux qui attendent leur jugement : les patrons de la société logistique Rui Hai, qui avaient pu bénéficier de leurs connexions avec un ex-chef de la police du port pour obtenir le permis de stocker 700 tonnes de cyanure hautement toxique à proximité d'une zone où vivaient des dizaines de milliers de personnes.

Il s'agissait bien sûr d'une violation de la loi en vigueur. Mais de telles entorses aux règles sont légion dans le pays. Les Chinois le savent, d'ailleurs, et font de plus en plus montre de résistance lorsqu’une nouvelle usine doit ouvrir près de chez eux. Le sentiment d'impuissance est cependant réel en la matière.

« Suite à la catastrophe, des petits chefs ont été arrêtés, mais je n’ai pas connaissance de responsables haut placés qui auraient été emprisonnés. Des accidents industriels comme celui-là, il y en a eu avant, et il y en aura encore. Ce drame ne sera pas le dernier, même si le gouvernement a appris la leçon du sang », commente Li Tian.

Les accidents industriels récurrents dans une Chine en plein changement

A la veille du premier anniversaire de l'accident industriel de Tianjin, un autre drame a fait une vingtaine de morts dans une centrale à charbon au centre du pays. En matière de sécurité, la Chine, usine du monde, n’est donc pas à la hauteur de ses ambitions. « Nous avons retenu la leçon », avaient pourtant assuré les autorités l'an passé.

Depuis lors, des dizaines d’explosions ont eu raison de cette promesse. En mai, une déflagration a ravagé un atelier de fabrication de batteries en lithium, faisant deux morts. En juin, un accident dans une raffinerie d’aluminium a tué 11 ouvriers. Ces rappels sont loin d'être exhaustifs.

Rares statistiques officielles disponibles : entre janvier et juillet de cette année, plus de 28 000 accidents ont tué 16 059 personnes au travail. « A cause de cette explosion de Tianjin, des usines devront déménager, quelques-unes ont été fermées. Mais j’espère surtout que les contrôles de sécurité seront plus stricts », confie Li Tian.

→ Reportage audio : Un an après l'explosion, le port de Tianjin reste une ville fantôme

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