Avec notre correspondante à Pékin, Heike Schmidt
Il y a deux jours, dimanche, et comme chaque fin de semaine, la fièvre patriotique gagnait la rue. Mitraillettes collées à la poitrine, une dizaine de femmes en robe fleurie paradaient à Pékin avec des armes à feu derrière le drapeau chinois. Les dames semblaient prêtes à défendre la patrie, sous les directives de leur président Xi Jinping : « Le peuple chinois n’a pas peur des agresseurs. Aucun pays étranger ne doit s’attendre à ce que nous avalions la pilule amère d’une atteinte à notre souveraineté, notre sécurité et notre développement. »
Pour le président chinois, pas question de céder du terrain en mer de Chine méridionale, comme le demandent les Philippines. Le ton, volontairement nationaliste, plaît au peuple, estime Yanmei Xie de l’ONG International Crisis Group : « Les Chinois soutiennent la ligne dure. Ils voient cela comme une preuve que la Chine est enfin capable et déterminée à défendre sa souveraineté. Rajoutez à cela l’éducation qui enseigne aux Chinois qu’ils ont été humiliés pendant 100 ans par le Japon et les impérialistes occidentaux. Ils peuvent enfin être fiers d’être Chinois. »
Selon un sondage, 88 % des Chinois se disent favorables au refus de leur gouvernement de respecter le verdict que la Cour d’arbitrage doit rendre ce mardi 12 juillet dans le conflit territorial avec les Philippines. Elle doit trancher si Pékin enfreint la loi maritime dans cette mer, que l'Etat chinois considère comme étant cruciale pour ses intérêts stratégiques.
« C’est une mer riche en ressources naturelles, en poissons et en hydrocarbures », détaille Yanmei Xie. « Mais c'est aussi une voie de navigation, essentielle pour le commerce et la sécurité de la Chine. Pékin considère cette mer comme son avant-poste militaire ». Pékin y fait patrouiller ses navires et construit des ports militaires.
Avec de nombreux îlots et îles contrôlés autour par les Américains et leurs alliés, la Chine compte jouir de son pouvoir en mer de Chine méridionale pour surveiller les activités des autres forces militaires étrangères dans son voisinage. « L’armée chinoise voudrait un accès au grand Pacifique et être en mesure de collecter des renseignements », explique Yanmei Xie.
Quel que soit le verdict de La Haye, Pékin ne compte pas s'y plier. La plainte de son voisin, déposée en 2013, a d'ailleurs été qualifiée de « farce » et de « ruse contre la Chine ». Et pour montrer un peu plus son dédain, le pouvoir chinois a demandé à sa marine de mener, en ce moment, des manœuvres autour de ces atolls convoités.
■ Les Philippines croient en une décision historique
Avec notre correspondante à Manille, Marianne Dardard
Une décision historique : voilà comment est qualifié le jugement espéré par les Philippines. Car le conflit dure depuis des années. Tous les recours diplomatiques ont été épuisés, et aujourd'hui pour les Philippines, c'est la seule manière de peser face aux bulldozers chinois.
Ce qui est en jeu pour les Philippines : ce sont d'abord le droit de pêcher et le droit d'exploiter les ressources pétrolières, réputées importantes. Les revendications chinoises empiètent sur la Zone économique exclusive dont la définition est pourtant assez claire. Pour Manille, le risque, c'est la perte de 80 % de sa pêche dans la région.
Pragmatique, le nouveau président philippin, Rodrigo Duterte, s'est dit prêt à un partage des ressources avec Pékin. Mais sera-t-il vraiment en position pour négocier ? Avant d'être élu, il avait aussi déclaré qu'il prendrait un jet-ski pour aller planter le drapeau philippin sur les îlots contestés… Encore plus nationaliste, le président précédent, Benigno Aquino, était allé jusqu'à comparer les dirigeants chinois à Hitler.