La loi a été surnommée Kim Yong-ran, du nom de la présidente de la commission anti-corruption qui en a écrit la première version. La loi a été votée l’année dernière, sous la pression de l’opinion publique : le terrible naufrage du ferry Sewol il y a deux ans – plus de 300 morts, en majorité des lycéens – avait notamment été rendu possible par la corruption des autorités de contrôle. Elle entrera en vigueur fin septembre et interdira à une entreprise de faire un cadeau de plus de 40 euros à tout fonctionnaire, professeur ou journaliste. Et même d’offrir un repas au restaurant de plus de 23 euros. Des peines de prisons sont prévues pour les contrevenants.
Petits arrangements coréens
Cette loi représente une véritable révolution dans la façon de faire des affaires en Corée du Sud où faveurs et petits arrangements s’obtiennent parfois en échange de repas luxueux, de voyages tous frais payés, ou de parties de golf. La Corée du Sud se classe 37e sur 168 pays au classement de perception de la corruption, établi par l’ONG Transparency International. Mais elle est en queue de peloton parmi les pays de l’OCDE.
La crainte d'une perte d'activité économique
La loi provoque une véritable levée de boucliers du côté de tous ceux qui profitent de ces pratiques de petits cadeaux. Par exemple, l’association des éleveurs de bœuf coréen ou « hanwoo » s’inquiète : les caisses de bœuf à plusieurs centaines d’euros pièce sont l’un des cadeaux les plus prisés des entreprises, notamment lors des fêtes traditionnelles. Les restaurateurs, les grands magasins, les golfs, les marchands de fleurs s’estiment menacés et demandent d’augmenter le montant maximum autorisé pour ces cadeaux. Selon un institut de recherche de l’association des conglomérats coréens, si la loi entre en vigueur, elle coûtera à l’économie 9,53 milliards de dollars l’année prochaine !
Même la présidente Park Geun-hye est venue à la rescousse des patrons : elle a déclaré que la nouvelle loi pourrait avoir un impact négatif sur l’économie ! Notons au passage que les députés ne sont pas visés par la mesure : ils se sont prudemment exclus de son champ d’application. La loi entrera en vigueur comme prévu le 28 septembre, même si elle est en cours de révision par la Cour constitutionnelle, après que des associations – notamment des journalistes – ont porté plainte.
Assainir les pratiques, une urgence pour de nombreux Coréens
Toutes ces résistances exaspèrent de nombreux Coréens : « beaucoup de travailleurs sont en colère contre les milieux des affaires et les médias conservateurs, qui tentent de limiter les effets de la loi », observe ainsi le quotidien Korea Times, qui se demande si « la société coréenne est si pourrie qu’elle ne peut fonctionner normalement sans corruption ». Beaucoup espèrent que la mesure permettra d’assainir les pratiques actuelles et de faire des économies aux entreprises. Uneétude de l’Institut de Recherche économique Hyundai a ainsi estimé que si la Corée du Sud atteignait le niveau moyen de l’OCDE en matière de transparence, son PIB augmenterait de 0,65%...
■ Pour en savoir plus
- sur la loi elle-même
- et sur les protestations, sur le calendrier d'application de la loi, sur la colère des commerçants et agriculteurs