De notre correspondant à New Delhi,
Ces nouvelles demandes de quotas illustrent un changement profond dans une société indienne en pleine urbanisation. Les castes de propriétaires terriens, traditionnellement riches et influents, perdent de leur prestige et de leur aisance. C'est justement le cas des Patel.
Les membres de cette communauté sont au centre des violentes manifestations qui ont embrasé le Gujarat depuis plus d'un an. Ils représentent 15 % de la population de cet Etat, et beaucoup ont profité d'importants revenus agricoles pour investir dans la taille de diamants et le textile. Ils sont généralement très riches.
Cependant, ceux qui sont restés dans l'agriculture souffrent de la baisse des profits. Un grand nombre ont vendu leurs terres, mais leurs enfants ne sont pas assez qualifiés pour entrer dans des entreprises privées. C'est ainsi qu'ils demandent l'aide de l'Etat, sous la forme de quotas, pour obtenir plus facilement des postes dans les facultés publiques ou l'administration.
La mesure bénéficiera toutefois à une population plus large. En effet, les quotas ont d'abord été instaurés en Inde au lendemain de l'indépendance, en faveur des basses castes qui souffraient de discriminations sociales, ce qui les empêchait de recevoir une éducation de base, d'être employées et de sortir de la misère.
Une mesure à visée politique avant tout ?
Le gouvernement du Gujarat crée maintenant, comme dans d'autres Etats depuis quelques années, cette catégorie de personnes dites « économiquement arriérée ». On ne parle plus de lutte contre la discrimination, mais contre la pauvreté en général. Et ainsi, 10 % des places dans les universités publiques et les administrations régionales seront réservées.
Cela concernera toute personne, en dehors des basses castes déjà aidées, qui gagne moins de 8 000 euros par an et par foyer. Le problème, c'est que de nombreuses autres communautés agricoles dans la même situation ailleurs en Inde sont déjà en train de réclamer de l'aide, et que la création de ce nouveau statut va renforcer leurs revendications.
Cependant, cette nouvelle mesure pourrait être contestée par la justice. En effet, au Gujarat, 49 % des places dans les facultés et administrations sont déjà réservées pour les différentes basses castes et populations tribales. En rajoutant ces 10 %, le gouvernement dépasse la limite des 50 % de quotas, imposée par la Cour suprême.
Cette dernière pourrait donc annuler la réforme. Mais cela ne serait pas grave pour le gouvernement qui entend en retirer un bénéfice politique : les élections régionales ont lieu l'année prochaine, et les élus veulent gagner les voix des Patel, nombreux et influents.