Avec notre correspondant à Rangoon, Rémy Favre
Il fallait signer vite, avant les élections législatives du 8 novembre. Les anciens militaires au pouvoir en Birmanie voulaient à tout prix conclure cet accord avant le scrutin pour redorer leur image et se présenter aux électeurs comme ceux qui ont apporté la paix dans le pays.
Il fallait donc aller vite, quitte à ne pas signer avec les récalcitrants et de fait, la moitié des rébellions de Birmanie, y compris les plus puissantes, les Kachins et les Was, ont refusé de parapher l'accord ce jeudi matin. Elles estiment que les négociations devaient inclure tous les groupes ethniques pour parvenir à un véritable accord de cessez-le-feu national et mettre fin à six décennies de conflit.
Huit groupes ethniques sur 21 signataires
Mais le gouvernement n'a pas négocié avec trois rébellions qui combattent au nord-est du pays depuis le début de l'année. L'accord est donc partiel. Seuls huit groupes ethniques armés sur les 21 à avoir pris part aux négociations signent le texte. Il ne règle pas définitivement la question ethnique en Birmanie alors que les combats, ces dernières semaines, ont été quotidiens dans le nord du pays. Le gouvernement a d'ailleurs annoncé il y a quelques jours que les élections législatives ne pourraient pas avoir lieu dans ces zones.
« Le dialogue avait été élargi à un nombre important de groupes ethniques et puis au fur et à mesure de la date de l’approche de la signature, des conflits ou en tout cas des différends sont apparus, notamment sur la démilitarisation des zones impliquées dans cet accord, explique Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse Asia Centre. Et le gouvernement n’a pas réussi son pari qui était un peu fou d’ailleurs, de réunir l’ensemble des belligérants autour d’un texte unique. Ce sont surtout des groupes de l’est qui ont signé cet accord. Ceux qui ne rejoignent pas l’accord sont notamment les groupes du nord qui ont signé déjà des accords avec la Chine. »
Ce cessez-le-feu doit ouvrir la voie à un dialogue politique avec les insurgés qui ont signé. Ils veulent plus d'autonomie au niveau local. Ils souhaitent créer un Etat fédéral en Birmanie. « Il y a là toute une ambigüité sur le jeu de ces minorités qui sont en cheval entre le Myanmar et la Chine qu’il va falloir convaincre de rejoindre une union fédérale, un projet politique, analyse-t-elle. Ils auront parfois tendance à penser qu’une situation de conflit conforte mieux leurs intérêts qu’une dilution dans un ensemble plus vaste. »