[Vidéo] Chen Guangcheng: «Le Parti a très peur de perdre le pouvoir»

De passage à Paris pour la sortie de son autobiographie, Chen Guangcheng, L’avocat aux pieds nus était ce jeudi dans l’émission Décryptage de Nathalie Amar sur RFI. Devenue célèbre dans le monde entier pour son évasion rocambolesque en 2012, l’ex-bête noire du régime communiste vit depuis trois ans en exil aux Etats-Unis. L’occasion de reparler de sa fuite et de sa vision de la Chine d’aujourd’hui.

La silhouette n’a pas changé, le sourire non plus. Costume sombre et lunettes noires, Chen Guangcheng, 43 ans, s’amuse toujours de ses nouvelles libertés. Se promener à la Tour Eiffel, visiter le Louvre après un marathon auprès des médias pour son livre, la chose était totalement inimaginable il y a trois ans encore lorsqu’il était prisonnier de sa ferme de la province orientale du Shandong en Chine. Monsieur Chen est venu à Paris accompagné de son épouse Yuan Weijing, et c’est « à deux voix » que commence son incroyable aventure racontée aux éditions du Globe.


Caméras et brouilleurs sur les toits

« J’étais attentif au moindre bruit, je regardais avec mes oreilles » confie Chen Guangcheng à Nathalie Amar. Les premières pages du livre nous donnent à voir ce qui semblerait impossible même dans un film d’Hollywood. Comment un aveugle, de surcroît ennemi du régime, a-t-il pu rejoindre l’ambassade des Etats-Unis à Pékin depuis sa ferme familiale ultra surveillée.

Notre maison raconte l’avocat aux pieds nus était entourée de caméras, de brouilleurs de portables et surtout d’une milice de plusieurs dizaines de gros bras prêts à échanger le coup de poing avec tout ce qui bouge.

Le militant des libertés a dû franchir pas moins de quatre murs et en démonter un cinquième avant d’être hors de portée de vue de ses gardiens. Aboiement des chiens, bêlement des chèvres, passage des voitures au loin et sons des jeux sur les téléphones portables des sentinelles, tous ces détails sont rapportés dans un récit haletant digne des meilleurs romans d’aventures sans jamais perdre de vue la terrible réalité du village de Dongshigu : « En rampant, j’ai traversé la deuxième cour tout en veillant à ne pas être aperçu par Guangfeng, le fils handicapé mental de ma voisine, un homme d’âge mur qui vivait dans une chambre cellule érigée dans la cour, avec une fenêtre ornée de barreaux. Je l’avais toujours connu ainsi enfermé et il beuglait du matin au soir en appelant sa mère, qui vaquait à ses occupations quotidiennes, sourde à ses cris. »

Où l’on apprend aussi au passage que les avocats ne sont pas seuls à être « autodidactes » dans les campagnes chinoises, mais qu’il existe aussi des « médecins aux pieds nus » par exemple ; ceux qui n’ont rien pu faire pour sauver les yeux du « cinquième », le jeune Chen Guangcheng né sans prénom dans une famille de paysans du Shandong.

Extrémistes « Pros life »

Chen Guangcheng, l’avocat aux pieds nus publié aux éditions du Globe est aussi l’occasion pour le dissident d’insister sur l’actualité de son combat. Ce jeudi 3 septembre à l’occasion du 70e anniversaire de la victoire sur le colonisateur japonais, les chars sont de retour sur l’immense place Tiananmen à Pékin. « Le gouvernement chinois a raté trop d’occasions de se réformer et le Parti a maintenant très peur de perdre le pouvoir, estime monsieur Chen dans l’émission Décryptage (…) Le défilé de la place Tiananmen est une manière pour le pouvoir de vérifier si l’armée est toujours fidèle au Parti communiste chinois ».

Celui qui se trouve bien dans sa nouvelle vie aux Etats-Unis, entend retourner un jour en Chine, même si pour le moment il craint que « les autorités chinoises ne le laissent pas repartir ». Une vie aux Etats-Unis sur laquelle le dissident n’entre pas dans le détail. Son destin exceptionnel, son combat pour la justice est venu d’un « lien très fort avec la nature », explique-t-il encore lors de son passage sur l’antenne de RFI : « Je me méfie de tout ce qui contredit l’ordre naturel, et c’est pour cela que le Parti communiste qui est un menteur professionnel s’est mis à me détester .

A ceux qui l’accusent d’avoir rejoint les extrémistes « pros life » aux Etats-Unis, Chen Guangcheng répond d’un revers de la main et lâche en souriant : « Je ne suis pas devenu chrétien ».

Emission Décryptage du 3 septembre 2015

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