[Reportage] A Tianjin, le difficile retour des sinistrés de la catastrophe

A Tianjin, en Chine, les résidents sinistrés retournent ce jeudi dans leurs appartements endommagés, abandonnés en toute hâte dans la nuit des explosions du 12 août 2015, pour sortir quelques affaires personnelles. Reportage à Harbour City, un complexe résidentiel situé à seulement 600 m de l'entrepôt ravagé, et dans ses environs.

Avec notre envoyées spéciales à Tianjin, Heike Schmidt et Karoline Kan

Le soldat au barrage enlève son masque à gaz, juste le temps de nous signaler qu’il est hors de question d’entrer dans la zone interdite : « Vous avez besoin d’un passe-droit fourni par le gouvernement local. Et arrêtez d’enregistrer s’il vous plaît ! »

La permission officielle est réservée aux sinistrés, comme Wang Li Hong. Elle revient de son appartement, chargée de plusieurs gros sacs en plastique entassés sur un chariot.

« J’ai juste ramassé quelques affaires de valeur et de l’argent en liquide, même pas nos vêtements car ils sont couverts d’éclats de verre et de poussière, raconte-t-elle. Je ne sais pas à quel point c’est dangereux. Nous étions accompagnés de quatre personnes qui ont listé tout ce que nous emmenons. Ils ont pris des photos et nous avons dû signer un papier. C’est dur de trouver nos affaires dans ce désordre, on peut très facilement se blesser. »

Un jeune couple, casque de chantier sur la tête, le masque à gaz en bandoulière, se dépêche pour sortir du périmètre de sécurité. « Nous ne savons pas si l’air ici est vraiment pourri ou pas, confie l’homme. Nous ne sommes pas des scientifiques. Les autorités devraient tester sérieusement la pollution par ici. J’espère que le gouvernement nous traitera bien, nous sommes des gens lambda, des employés de bureau. J’ai acheté cet appartement : un million de yuans foutus en l’air ! Des soldats et des officiels nous ont accompagnés pour prendre nos affaires. C’est bien. Nos soldats, nos policiers et fonctionnaires font un bon boulot. »

La pollution dans toutes les têtes

Si les sinistrés doivent faire vite, c’est que les lieux ne sont toujours pas sûrs. Et la pluie qui tombe n’arrange rien.

La pollution est aussi une source importante de préoccupation. Mais le responsable du bureau de l’environnement municipal, Bao Jinling, se veut rassurant : la population qui habite près du port ne court aucun risque de santé : « La qualité de l’air se situe entre "bonne" et "légèrement polluée", ce qui correspond à la moyenne dans toute la ville de Tianjin. Nous avons demandé des dizaines de secouristes dans la zone interdite s’ils ont rencontré des problèmes de peau pendant la pluie. Ils n’ont rien constaté, et moi non plus. Je crois il n’y a pas d’inquiétude à avoir. » Cependant, ce jeudi 20 août, le Bureau de protection environnementale de la cité a admis « un niveau excessif de cyanure à huit points (d'eau) différents » à l'intérieur de la zone d'isolement autour du lieu des déflagrations. Ce qui correspondrait à des niveaux jusqu'à 356 fois supérieurs au seuil de tolérance.

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Dehors sous la pluie, une jeune femme privée de toit depuis que les explosions ont dévasté son appartement, n’est pas prête à faire confiance et se fait du souci : « Un rapport du gouvernement nous a assuré que l’air dans notre quartier est très bon. Comment pouvons-nous croire cela ? Si l’air est bon pourquoi les policiers et les officiels portent ils encore leurs masques ? Si l’air est bon, pourquoi est-ce qu’ils nous conseillent de nous protéger et de ne pas nous approcher de la zone interdite ? »

Avec d’autres manifestants, cette rescapée demande une enquête complète et transparente sur les conséquences environnementales de la catastrophe qui a transformé son quartier en « cité interdite ».
 

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