Pékin censure 120 tubes de musique, jugés «immoraux»

« Wo ai tai mei », en français « J'aime les filles taïwanaises », est un tube en Chine. Malheureusement, les internautes ne peuvent plus l'écouter en ligne, car il fait partie des 120 chansons qui viennent d'être bannies de l'internet chinois parce qu'elles sont jugées contraires à la morale.

De notre correspondante à Shanghai, Delphine Sureau

Selon les censeurs chinois, cette liste noire rassemble des chansons qui font la promotion « de l'obscénité, de la violence, du crime ou qui portent atteinte à la morale sociale ». Par exemple, dans « Wo ai tai mei », qui est en fait une reprise par MC Hotdog d'un tube des années 2000, ce qui choque les autorités c'est le passage où le rappeur dit : « Déshabille-toi et lance-moi ta petite culotte ». On a pourtant vu pire dans le rap américain, mais ces paroles ne passent pas en Chine.

Les autres chansons de la liste noire parlent de suicide, d'avortement, de drogue, ou sont tout simplement jugées vulgaires. C'est par exemple le cas du titre taïwanais « Fart », dans lequel, on peut entendre : « Il y a des gens qui préfèrent péter que de ne rien faire ». Les artistes censurés sont surtout des membres de la scène rock chinoise, la scène underground, avec des titres effectivement contestataires qui s’attaquent notamment à la corruption. Mais cette censure concerne aussi des artistes hongkongais, engagés dans la Révolution des parapluies. D'autres artistes de la pop taïwanaise, pourtant très populaires, et pas franchement subversifs, sont également dans le collimateur de Pékin.

Réaction des internautes

C'est surtout la censure d'une chanson, « Yan tou wan », qui a indigné les internautes. Son titre est un jeu de mots avec « ecstasy », mais son contenu est totalement inoffensif. Sur les réseaux sociaux, on se moque donc du ministère de la Culture : « Est-ce qu’il comprend les paroles ?, Vous êtes certains du niveau de mandarin des fonctionnaires ? C’est trop, cette censure », s’indignent les internautes. « Les fonctionnaires du ministère de la culture doivent avoir 70 ans, et ils ne comprennent rien à la musique d’aujourd’hui », fustigent-ils encore.

Les sites internet, les radios, les télévisions, et même les karaokés ont encore une semaine pour effacer les 120 chansons controversées. Cette initiative sans précédent montre une fois de plus la reprise en main idéologique des contenus en ligne. L'an dernier, le président Xi Jinping a souligné que l'art devait s'inspirer des préceptes « socialistes ». D'ailleurs, Pékin a annoncé début août que des unités de « cyberpolice » seront installées directement chez les géants de l’internet chinois, comme Alibaba ou Tencent, pour surveiller les contenus de l’intérieur.

→ à (re)lire : Une chanson à la gloire des censeurs du web en Chine (post du blog de Stéphane Lagarde : Encres de Chine)

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