Le groupe de 25 hommes se livrait à des abus sexuels sur les enfants, avant de faire chanter les parents de leurs petites victimes en menaçant de diffuser les vidéos s'ils ne payaient pas. En cas de refus, ils vendaient les vidéos de leurs méfaits pour 40 roupies (environ 30 centimes d'euros).
Les victimes étaient également contraintes à des rapports sexuels entre elles. Au total, ce sont au moins 280 enfants, pour la plupart âgés de moins de 14 ans, qui auraient subi des sévices. Depuis 2007, plus de 400 vidéos de ce genre ont été réalisés dans un village du sud-ouest de Lahore, au Pendjab, selon les médias locaux.
« La police a d'abord arrêté 12 personnes, puis 12 autres, ce qui porte le nombre total de personnes interpellées à 24, affirme Salim Bokhari, le rédacteur en chef du quotidien The Nation. Les accusations sont très sérieuses ».
« Le mot sexe est tabou »
« Un premier cas de plainte a été enregistré il y a trois ans, précise néanmoins Salim Bokhari, mais la police n'a pas donné suite. Du coup, ce crime abominable s'est poursuivi. L'affaire a éclaté lorsque ces vidéos sont apparues dans plusieurs pays étrangers. Notre correspondant et d'autres chaînes d'information ont interrogé de nombreux villageois, comme par exemple l'imam de la mosquée ou des parents des victimes. »
C'est puisque les victimes n’ont pas parlé qu'il a fallu des années pour que l’affaire soit révélée. Ce n’est que quand les parents ont vu les vidéos où figuraient leurs enfants, qu’ils ont commencé à s'interroger et qu'ils ont découvert que quelque chose n’allait pas. « La société pakistanaise est une société conservatrice et le mot sexe est tabou, c’est pourquoi il est très rarement prononcé. Et cela exige vraiment du courage d’oser dévoiler ce genre de choses », explique Salman Habiba, porte-parole de l'organisation Sahil, qui lutte contre les abus sexuels sur les enfants.
Pour la militante, ces révélations ne sont que la partie visible de l’iceberg parce qu’on ne parle que de 300 cas d’abus entre 2006 et 2015. « D’après notre rapport Des chiffres cruels que notre organisation publie tous les ans, déjà 425 cas d’abus sexuels ont été rapportés dans ce même district entre 2012 et 2014 », dit-elle.
Le chef de la province du Pendjab a indiqué avoir demandé une enquête judiciaire indépendante sur cette affaire qui a secoué le pays, où l'on parle même du plus grand scandale d'abus commis sur des enfants de l'histoire du Pakistan. « Les personnes impliquées dans cette affaire seront punies et les familles touchées obtiendront justice à tout prix », a promis le frère du Premier ministre pakistanais, Shahbaz Sharif, qui est le chef du gouvernement provincial du Penjab.
L'enquête sera longue
Selon les avocats des victimes, la police était au courant mais fermait les yeux et était de mèche avec les agresseurs. La police avait en effet conclu dans un rapport initial, la semaine dernière, que les accusations d'abus sur les enfants étaient « sans fondement ».
La révélation de l’affaire a crée le chaos dans la société pakistanaise et notamment parmi les forces de l’ordre et les autorités politiques, selon Salman Habiba. « Certains politisent l’affaire, je crois, parce qu’on parle d’implication d’un membre du Parlement régional, et le député qui est impliqué est du parti au pouvoir. C’est pour ça que la police essaie de ne pas enregistrer les plaintes, mais la société civile s’oppose vivement à ces tentatives », assure la porte-parole de l'ONG Sahil. Et elle ajoute : « en parlant de ce scandale, les médias aident la société civile à faire en sorte qu’il soit traité, sinon la société civile à elle seule ne peut pas se faire entendre des politiciens. »
Toujours est-il que l'enquête promet d'être longue. Mais pour l'activiste des droits de l'homme Tahira Abdullah, la mise en place d'une commission d'enquête judiciaire est une excellente nouvelle. « En plus des rapports soumis par la police au gouvernement, il y aura des juges et ça, c'est une bonne chose, souligne-t-elle. Cela garantie de l'indépendance, en tout cas, autant que possible dans une société aussi politisée que le Pakistan. Mais c'est beaucoup mieux que d'avoir seulement la version de la police. Car cette version, on l'a déjà. Ils se sont lavés de tout soupçon. »