Lutte anticorruption: les mesures de Pékin pour limiter les suicides

En Chine, depuis son arrivée au pouvoir, le président Xi Jinping mène une gigantesque campagne anticorruption. Problème : en trois ans, une cinquantaine de suspects se sont suicidés. Pékin a donc décidé d’encadrer les enquêtes. Le Parquet populaire vient de publier un « code de conduite » à destination des enquêteurs, menaçant des suspensions et des sanctions en cas d’actes « illégaux » ou « gravement irresponsables », si les personnes visées par l'enquête « s'échappent, sont blessées ou commettent un suicide ».

La vaste campagne anticorruption au sein du Parti communiste chinois et des entreprises d'Etat a conduit depuis deux ans à des limogeages à la chaîne. Mais cette lutte a aussi entraîné une recrudescence des suicides de fonctionnaires, sous le coup d'enquêtes et parfois soucieux d'éviter la saisie des sommes détournées au profit de leurs familles.

Dans un cas récemment médiatisé, le patron d'un groupe manufacturier étatique, qui pèse plusieurs milliards de dollars, a été retrouvé pendu dans son bureau, alors que des enquêteurs avaient commencé à se pencher sur les comptes de l'entreprise. Au moins 50 responsables du Parti et fonctionnaires gouvernementaux sont morts « de causes non naturelles » depuis 2012, avait rapporté en janvier le magazine économique chinois Caixin.

« Tolérance zéro »

Or, le Parquet populaire suprême chinois   organe supervisant les procureurs dans les tribunaux du pays   a rendu publiques jeudi huit directives supposées encadrer la façon dont sont menées les enquêtes sur des « abus de pouvoir » et malversations commises par des responsables publics.

Il est par ailleurs rigoureusement interdit aux procureurs d'accepter une quelconque somme d'argent de la part des entreprises soupçonnées, d'imposer des « mesures coercitives non raisonnables » ou encore d'obtenir des aveux sous la torture, est-il rappelé dans ce texte.

« Il s'agit d'un code de conduite des procureurs dans la bataille contre la corruption », « des lignes à haute tension » que nul ne doit « s'aviser de toucher », a commenté le Parquet suprême, promettant « une tolérance zéro ».

« Deux poids, deux mesures »

Mais pour Jean-Philippe Beja, chercheur au CNRS et spécialiste de la politique chinoise, seule une partie bien spécifique de la société va maintenant être protégée des abus des enquêteurs. « Il y a des citoyens ordinaires qui sont l’objet de poursuites. Il leur arrive aussi souvent de se suicider, rappelle le chercheur. Mais il n’y a pas eu de directive du Parquet populaire pour punir les enquêteurs qui conduiraient les citoyens ordinaires à se suicider. On voit donc qu’il y a deux poids, deux mesures. »

Pour lui, la prise de cette circulaire s’explique par « des pressions qui ont été faites par les proches ou d’autres cadres qui risquent d’être soupçonnés eux-mêmes de corruption. On est actuellement dans une sorte de campagne. Tout le monde est menacé. La corruption évidemment est extrêmement répandue, donc tout le monde se sent visé. Dans ces conditions, il y a une espèce de réaction de caste qui fait qu’on demande au minimum des garanties pour être sûrs que l’on ne sera pas victime des traitements qui sont ceux réservés aux citoyens ordinaires. »

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