Avec notre correspondante à Shanghai, Delphine Sureau
Apparemment, Zhou Yongkang en savait trop pour être jugé publiquement. Pour éviter la révélation d’informations potentiellement compromettantes pour les dirigeants du Parti communiste chinois, l’ancien grand patron de la police du pays a été jugé dans le plus grand secret par un tribunal de Tianjin, près de Pékin.
Le communiqué de l’agence de presse Chine nouvelle est laconique : à 72 ans, Zhou Yongkang a été condamné à la perpétuité pour avoir accepté des pots-de-vin, abusé de son pouvoir, et divulgué des secrets d’Etat. Il est privé de ses droits politiques à vie, et tous ses biens personnels sont saisis. Celui qui fut l’un des hommes les plus puissants de Chine a plaidé coupable et ne fera pas appel.
C’en est donc fini du tigre aux allures de parrain, qui était détenu au secret depuis l’automne 2013. Les faits de corruption qui lui sont reprochés s’étalent sur plusieurs décennies : des années 1990, quand il dirigeait le géant pétrolier CNPC, jusqu’à sa retraite en 2012. Il était alors membre permanent du bureau politique, le sommet du pouvoir chinois. Zhou Yongkang est de loin le plus beau trophée de la campagne anticorruption du président Xi Jinping.
• Décryptage
Pour Pierre Picquart, expert international et spécialiste de la Chine, cette condamnation s'inscrit bel et bien dans une politique d'assainissement de l'administration voulue par le président Xi Jinping. « On est là dans la prolongation d’une opération " mains propres " commencée avec l’arrivée du président chinois Xi Jinping il y a deux ans, rappelle-t-il. Donc, il ne faut pas s’en étonner puisqu’en fait, bon nombre de Chinois attendaient ces mesures depuis une quinzaine d’années. »
« On avait bon nombre de fonctionnaires, ou même de responsables d’entreprises publiques ou privées, qui pillaient parfois les caisses de l’Etat, les caisses de la Sécurité sociale, les fonds de retraites », énumère Pierre Picquart. On est là effectivement dans des mesures à la fois qu’attendaient le peuple chinois et qui permettent aujourd’hui de donner un signal fort aux dirigeants. »
Et de préciser que « cette opération n’a rien à voir avec une épuration politique ; on ne retourne pas à la révolution culturelle. On a véritablement un mouvement en Chine qui vise à lutter contre la corruption, pas uniquement des fonctionnaires, mais aussi des cadres des services publics ou des services privés qui sont donc responsables de l’argent des Chinois. »