Les manuels scolaires japonais passent comme « chat sur braise » sur la Seconde Guerre mondiale, ses épisodes les plus sombres et la responsabilité du Japon. Pas étonnant donc si la majorité des Japonais nés avec l’avènement d’internet réagissent à la publication de pages entières consacrées à l’internement d’un demi-million de prisonniers de guerre japonais dans des camps sibériens en disant : « Nous ne savions pas. »
En août 1945, ces soldats japonais sont capturés par l’armée rouge en Chine, en Corée, à Sakhaline, dans les îles Kourile. Ils sont internés dans des camps en Sibérie bien plus longtemps que les prisonniers de guerre allemands. La plupart de ces Japonais seront retenus pendant près de dix ans dans des goulags de l’extrême orient de la Sibérie où la température descend parfois à -50 degrés. Le froid, la faim, l’épuisement dus aux travaux forcés tueront 60 000 d’entre eux.
Alors pourquoi avoir attendu si longtemps avant de s’intéresser à leur histoire ? Du temps de l’Union soviétique, les historiens japonais ne pouvaient pas avoir accès aux matériaux d’archives et entre-temps, ils sont parvenus à la conclusion que leur internement en Sibérie était un phénomène unique en son genre. Sur le Net, des historiens japonais observent que ces Japonais refusent de se reconnaître comme prisonniers de guerre. Certes, ils se présentent comme des militaires mais qui n’ont accepté d’être désarmés et capturés que sur ordre de leur empereur. Lequel, après Hiroshima, annonce la capitulation du Japon.
Nostalgie
Dans les camps sibériens, les Japonais survivent en continuant de suivre leurs traditions, leurs fêtes. Les plus intelligents apprennent le russe avec des détenus politiques russes. Des intellectuels qui leur parlent de l’histoire,et de la littérature russes.
Ce n’est pas le moindre des paradoxes de noter que de nombreux prisonniers de guerre japonais gardent de leurs années de captivité, en dépit des conditions de travail inhumaines, une certain nostalgie. Parce qu’elles correspondent à leurs années de jeunesse.
Contrairement aux Allemands, les Japonais n’ont jamais été associés par les Russes aux atrocités nazies commises sur sol soviétique. Ce qui a favorisé, dans les camps, les rapports avec leurs gardiens et les prisonniers politiques russes. Ainsi, sur la Toile japonaise, le petit-fils d’un ancien prisonnier japonais dit que son grand-père, un officier, apprendra le russe et fera la distinction entre le pouvoir totalitaire soviétique et les Russes ordinaires. A l’extérieur du camp, employé à la construction de chemin de fer, il note que les conditions de vie des Russes sont presque aussi misérables qu’à l’intérieur du camp. Reste que la plupart de prisonniers japonais estiment injuste cette captivité. Avant leur rapatriement, l’URSS ne leur verse aucune rémunération. Elle ne leur remet aucun certificat de travail - contrairement aux pratiques internationales. En somme, leurs années de captivité, - dix ans - ne comptent pas pour leur retraite. Et l’Etat japonais ne commencera à leur verser des dédommagements que dans les années 90, plus de trente ans après leur retour au Japon.