avec notre correspondant régional,
Il n’y a même pas eu de campagne. L’Ouzbékistan est une des dictatures les plus fermées du monde : aucun média n’y est libre, aucune opposition n’y est tolérée. Seules quelques affiches dans le centre de Tachkent, la capitale, et quelques sujets à la télévision rappellent qu’il y a une élection ce dimanche.
Les trois « adversaires » d’Islam Karimov sont quasiment inconnus des 30 millions de citoyens ouzbeks. Ils ont passé le peu de temps dont ils disposaient dans la campagne électorale pour louer les réussites du président en exercice. Le chef de l’Etat lui n’a pratiquement pas fait campagne, disparaissant même trois semaines au milieu de celle-ci sans que l’on sache si c’est parce qu’il était malade ou pour d’autres raisons.
A 77 ans, Islam Karimov n’envisage pas sa succession. Le dirigeant ouzbek passe son temps à enchaîner les mandats, en violation de la constitution d’ailleurs. Et c’est une question très grave, car dans un régime où les institutions sont extrêmement faibles et où tout ou presque est décidé par un seul homme, où les seuls contrepouvoirs sont des clans qui s’opposent pour le pouvoir et le contrôle de l’économie, l’absence de règles pour désigner le successeur pourrait conduire à une grande instabilité.
C’est ce que craignent la plupart des observateurs du pays. Signe que la lutte est déjà engagée, l’assignation à résidence l’an passé de la fille aînée du président, Goulnara, qui était jusqu’alors très puissante et semblait devoir jouer un rôle clé dans la succession de son père. Plusieurs raisons ont conduit à son arrestation, à commencer par d’énormes scandales de corruption, mais c’était d’abord une occasion pour divers groupes d’influence de la neutraliser.
Entre 7 000 et 12 000 prisonniers politiques
Au sein de la population on ne peut pas parler de soutien populaire ou non. Il n’y a de toute façon pas d’alternative politique. Les opposants sont systématiquement écartés de la politique depuis 25 ans. Chacun va voter par obligation, pour ne pas perdre son travail. Mais nous savons qu’il y a depuis longtemps un grand mécontentement dans le pays, à cause de la corruption, de la pauvreté, de la dureté de la dictature qui ne permet pas l’expression du mécontentement.
Il y aurait, selon les grandes ONG de défense des droits de l’homme, entre 7 000 et 12 000 prisonniers politiques en Ouzbékistan. Beaucoup sont des gens accusés d’extrémisme religieux. Quand bien même cela serait vrai, il faut se demander pourquoi ils ont cherché une solution dans l’islamisme.
La pauvreté et l'état de délabrement de l'économie, le pays étant hyper bureaucratisé et corrompu, sont probablement les causes de l'émigration de deux à trois millions d’Ouzbeks, partis travailler en Russie afin de faire vivre leurs familles restées au village au pays.
Mais avec la crise actuelle en Russie, du fait des sanctions occidentales, avec la chute des cours du pétrole et l’effondrement du rouble, on pense qu’environ 15 % de ces Ouzbeks sont déjà revenus au pays ces derniers mois.
Ce qui met entre 300 000 et 400 000 familles ouzbekes dans une grande difficulté financière, se demandant pourquoi M. Karimov n’a pas su créer une économie capable de nourrir son peuple.