Avec notre correspondante à Singapour,
Trois fausses alertes sérieuses ont déjà secoué l’Internet singapourien. A chaque fois, elles ont poussé le gouvernement à publier un démenti. Lee Kuan Yew a été ministre de Singapour pendant 41 ans et c’est lui qui a transformé cette ancienne colonie britannique marécageuse et sans ressources en un pays développé à l’économie florissante.
Même si ses méthodes ont parfois été qualifiées d’autoritaires par certains, il est sans conteste le « Père de la Nation ». L’enjeu pour Singapour est donc très important. Alors la mauvaise santé de l'ancien chef du gouvernement, combinée à des internautes « accros de l’instantané », et les interprétations assez rapides, trop rapides, se multiplient. Avec parfois un colportage de fausses informations.
Twitter étant le média social le plus viral, c’est souvent par son biais que se sont diffusées ces rumeurs. C’est ainsi que les internautes ont retwitté hier, mercredi, l’arrivée à l’hôpital d’un des petits-fils du vieil homme, semant le doute. Puis 518 000 personnes qui suivent le chef du gouvernement, Lee Hsien Long - qui est aussi le fils de Lee Kuan Yew - ont retenu leur souffle lorsque celui-ci a changé sa photo de profil en fin de journée, passant d'un portrait souriant et rose vêtu à celui du regard perdu dans le vague, cravaté de sombre.
Un canular informatique jette le trouble
Le summum a été atteint un peu plus tard hier soir, lorsque deux chaînes de télévisions internationales, CNN et la chaîne chinoise CCTV, ont même annoncé le décès de Lee Kuan Yew, en relayant un « hoax », un canular informatique. Un faux très bien réalisé, diffusé sur Twitter et WhatsApp : une photo d’ordinateur affichant un communiqué typique tel qu’il aurait pu être affiché sur un site gouvernemental.
Deux lignes macabres qui annonçaient même l’heure du décès de Lee Kuan Yew. Or, comme l’a fait remarquer un internaute à RFI, l’url montrait bien qu’il s’agissait d’un ancien communiqué. Tout le monde a tenté de se connecter sur le site officiel pour vérifier la nouvelle, mais l’afflux important de connexions a rendu l’accès au site impossible, laissant planer le doute plusieurs dizaines de minutes. Camouflet suprême dans cette cité-Etat supposée être à la pointe de la technologie.
Les médias officiels ne corroboraient pas la nouvelle non plus, mais celle-ci a tout de même été reprise par les comptes Twitter des deux chaînes d’information en continu américaine et chinoise. La page Wikipédia de Lee Kuan Yew a même été modifiée quelques minutes durant.
Cela montre bien les limites d’Internet, lorsqu'on oublie la règle d’or du journaliste qu’une information se vérifie plusieurs fois avant d’être rapportée. En tous cas, une heure plus tard, le gouvernement annonçait déjà qu’il portait plainte et demandait l’ouverture d’une enquête sur ce « hoax ».
La Toile, entre rumeurs et hommages
Que ce soit sur Facebook, Twitter ou dans les forums les plus populaires sur la Toile singapourienne, les hommage post-mortem ont déjà commencé. Un processus de deuil a déjà commencé, grâce à Internet. Les Singapouriens expriment leur peine, leurs sentiments vis-à-vis de Lee Kuan Yew.
Certains regrettent qu’il ne semble pas assez solide pour tenir jusqu’au 50e anniversaire de l’indépendance qui sera célébré en août prochain. « Qu’on l’adore ou qu’on le déteste, on ne peut ignorer ou nier le dévouement de Lee Kuan Yew à Singapour et ses habitants », écrit Derek Foo. Voilà une bonne synthèse du large éventail de remarques que l’on peut lire sur le web.