Roy Ngerng fait partie de ces Singapouriens de plus en plus mécontents de la manière de gouverner des autorités à Singapour, très paternalistes, très directives aussi. Et qui ont pris la toile comme agora pour s’exprimer librement depuis trois ans. L’un des meilleurs exemples, un des systèmes contre lesquels les citoyens se rebellent, c’est l'épargne obligatoire pour les travailleurs. Tous les mois, ils se voient ponctionner une somme qui sera déblocable pour leur retraite. Entre-temps, cet argent est investi par le fonds souverain du gouvernement qui gère tout de même ainsi 60 milliards d’euros (pour 4 millions de citoyens), un fonds souverain présidé par le Premier ministre lui-même.
Les critiques sur Internet n'ont pas plu au Premier ministre
Roy Ngerng, 33 ans, qui travaillait dans un hôpital, s’est fait une spécialité de la critique du système sur le Web, mais un de ses posts, écrit il y a un peu plus d’un mois, n’a pas plu du tout. Il laissait à penser à un détournement illégitime des fonds visant nommément le Premier ministre. C’est un peu comme si on disait « Etat voleur ! ». Mais voilà, ici, ça ne passe pas, la référence a été prise au pied de la lettre. Et la réplique a été immédiate : l’avocat du Premier ministre a demandé le retrait de plusieurs posts, des excuses publiques et lorsque le jeune homme d’origine modeste, proposait de verser 3 000 euros de dommages et intérêts au Premier ministre, celui-ci a répondu que c’était trop dérisoire, et a décidé de le poursuivre. Dans la foulée, l’hôpital l’a limogé. Il se retrouve donc sans emploi, son procès commence la semaine prochaine, et il risque d'écoper d'une lourde amende. Une amende qui pourrait le ruiner.
Les Singapouriens prennent fait et cause pour le blogueur
C’est la première fois que le Premier ministre agit de cette manière avec un citoyen. Lee Hsien Loong renoue ici avec les méthodes de son père, Lee Kwan Yew, le « père fondateur » de Singapour. Mais autant celui-ci avait la réputation d’être intraitable, autant le Premier ministre actuel était jusqu’ici plus populaire. C’est un vrai fiasco pour son image, un combat du type « Goliath contre David » ! Et très nombreux sont ceux qui s’identifient à Roy Ngern. Il n’y a qu’à voir les dons qui ont afflué : les 40 000 euros nécessaires pour couvrir ses frais judiciaires ont été rassemblés en 4 jours seulement !
Les citoyens sont de plus en plus oppressés par un coût de la vie qui monte en flèche, et une politique d’immigration qui leur a été imposée et qu’ils rejettent. Ils manifestent physiquement leur mécontentement de plus en plus souvent. Pour l’instant, le gouvernement laissait faire. Là, il confirme qu’il ne laissera pas franchir certaines limites. Mais se faisant, il creuse encore un peu plus le fossé avec les classes moyennes.