C’est l’histoire d’une jeune femme qui rêvait que ses sous-vêtements soient en fer. Une histoire qui semble déjà loin dans l’actualité, ensevelie par d’autres affaires. Mais le chemin est long pour défendre les droits des femmes. Et puis c’est l’histoire d’une femme, pas des femmes. Voilà ce que l’on se dit loin de Kaboul. Mais cet évènement a bouleversé des consciences, car en essayant de briser le silence, cette jeune femme en fer vit désormais le calvaire de se planquer pour se mettre à l’abri du danger.
Depuis des jours, Kubra Khademi se cache. D’une planque à l’autre de Kaboul, elle tente d’échapper à la mise à exécution des menaces qu’elle reçoit depuis cet après-midi du 26 février. Kubra vit recluse, forcée d’étouffer son indignation face à ces mentalités conservatrices qui n’évoluent que trop lentement. Kubra se met à l’abri. Elle risque de se faire égorger, car elle ne voulait plus se faire peloter.
« Si je me tais, un jour ma fille sera aussi victime de harcèlement »
Kubra Khademi est une jeune femme afghane. Elle avait 27 ans lorsqu’elle a décidé de dénoncer, le 26 février, dans les rues de Kaboul, le harcèlement sexuel que les femmes subissent quotidiennement. C’est en fin d’après-midi, dans les rues de sa ville, que cette jeune fille a voulu dire « non ». Elle a raconté son histoire aux journalistes des Observateurs de France 24. « Si je me tais, un jour ma fille sera aussi victime de harcèlement et sa fille aussi. Ma génération doit briser ce cycle infernal. »
Comme c'était prévisible, elle s’est rapidement retrouvée encerclée, moquée et humiliée. Une foule masculine menaçante ne lui a pas laissé le temps de dire « non ». Sous les insultes et les jets de pierre, Kubra a fuit pour sauver sa peau, sa peau qui, loin sous son armure de fer, crevait d’envie de donner l’assaut.
Cette foule qui ne sait pas ce que c’est d’être l'objet de harcèlement
Cet après-midi-là, Kubra avait confectionné une armure qui épousait les formes de ses seins et de ses fesses. Une armure ferrugineuse aux formes voluptueuses. C’est un « langage gestuel » comme elle l’explique. « L’une des pratiques dont raffolent certains hommes, c’est de pincer les femmes dans la rues. Ils nous pincent tellement fort qu’ils laissent des bleus. Ces individus sont issus de toutes les couches sociales : des illettrés, des étudiants, des riches, des pauvres. » Petite, très petite, elle s’est faite tripotée dans la rue par un homme. Plus elle grandissait, plus cela empirait. Elle a souhaité s’opposer à cette injustice, et a choisi de la dénoncer symboliquement.
C’est par l’art du chaudronnier qu’elle a souhaité protester, et c’est seulement quelques minutes qu’on lui a accordées. Kubra a eu quelques minutes pour traîner sa liberté tristement belle au milieu de cette foule qui ne sait absolument pas ce que c’est d’être l'objet de harcèlement. « Avant de commencer, je m’attendais à ce que je sois poursuivie par une foule hostile et j’ai prié pour ne pas me faire assassiner ». Dans son témoignage, Kubra confie à France 24 qu’elle savait à quoi s’attendre. Mais elle n’a pas perdu espoir.
Où est cette jeune femme à présent ?
Kubra Khademi a créé l’émulation, et c'est avec l'aide de quelques amis journalistes que son action a été largement diffusée sur les réseaux sociaux. Elle a été soutenue par les internautes, et sa démarche artistique et symbolique a été saluée sur la Toile. Notre correspondant à Kaboul Joël Bronner raconte ainsi que des hommes ont manifesté vêtus de burqas pour exprimer leur solidarité à l'égard de Kubra Khademi.
Mais où est cette jeune femme à présent ? Cette jeune femme qui ne se sent plus en sécurité et qui affirmait que « les femmes doivent abattre le mur du silence, parler de ce problème autant que possible et faire pression sur les autorités pour qu’elles réagissent. ».
■Des femmes marquées à vie
Le 8 mars, Arte a diffusé trois programmes en rapport avec la journée de la femme :
- Les femmes du bus 678
- Un documentaire sur les femmes rwandaises qui ont survécu au génocide, et qui élèvent leurs enfants nés de viols.
- Un documentaire sur les femmes afghanes, qui préfèrent vivre en prison plutôt qu’avec leur mari.
Pour aller plus loin :
Ces femmes qui font «des métiers d’hommes»