Avec notre correspondant à New Delhi, Antoine Guinard
Ils étaient près d'un millier jeudi venus prendre d'assaut la prison centrale de Dimapur, la capitale régionale de l'Etat du Nagaland. Les bombes lacrymogènes et les matraques de la police n'ont pas pu empêcher la foule de s'emparer de Syed Farid Khan, un homme d'affaires de 35 ans accusé de viol, de le traîner et de lui infliger des sévices sur 7 kilomètres jusqu'au centre-ville, où il a été pendu.
Le gouvernement du Nagaland a suspendu le directeur de la prison et plusieurs hauts responsables de la police. La veille du lynchage déjà, plusieurs milliers de manifestants s'étaient présentés devant le quartier général de la police de Dimapur, exigeant qu'on leur livre le détenu.
Ce meurtre est survenu au lendemain de l'interdiction par le gouvernement indien d'un documentaire India's Daughter (La fille de l'Inde) de la réalisatrice britannique Leslee Udwin produit par la BBC, qui raconte le viol d'une étudiante en décembre 2012 a New Delhi. Ce documentaire avait relancé un vif débat sur le sujet. Mais ce meurtre pourrait être davantage motivé par les tensions ethniques, en hausse dans cette région du pays.
Lorsque cette affaire de viol est apparue dans la presse locale il y a quelques semaines, plusieurs organisations naga, l'ethnie principale de l'Etat, avaient fustigé la présence « d'infiltrés bangladais » dans l'Etat, pointé du doigt comme des criminels. Les tensions sont récurrentes dans le nord-est de l'Inde entre les tribus locales et les nombreux habitants issus de la communauté musulmane, accusés, souvent à tort comme dans cette affaire, d'être des immigrés illégaux venant du Bangladesh.