Avec notre correspondante à Sydney, Caroline Taix
L’Australie a découvert au réveil, que la prise d’otage s’était achevée dans le sang quelques heures plus tôt. Le pays habituellement si paisible est sous le choc, rapporte notre correspondante à Sydney, Caroline Taix. « Nous avons perdu un peu de notre innocence », lui a confié ce mardi matin une jeune femme d’une trentaine d’années. Alors comme si les Australiens avaient besoin de se soutenir les uns les autres, des milliers de personnes ont afflué vers Martin Place. Ils sont venus se recueillir, signer les livres de condoléances, comme le Premier ministre Tony Abbott et sa femme qui ont déposé une gerbe de fleurs. La chaussée près du café est jonchée de bouquets de fleurs .
Le grand Mufti australien Ibrahim Abu Mohammed est aussi venu et il a signé le livre de condoléances avant de condamner une nouvelle fois la prise d’otages. J’espère que ce sentiment, ce rassemblement de tous les australiens quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse, durera le reste de la semaine, disait sur place une femme membre d’une association qui lutte contre l’islamophobie. Pour l’instant, le seul à avoir critiqué publiquement la communauté musulmane est le président du parti anti-immigration du Queensland, John Savage.
Le mutisme des autorités
Tout au long de la prise d’otages qui a duré seize heures, la situation a été confuse, marquée par le mutisme des autorités. Celles-ci ont refusé de donner des informations sur le nombre d’otages, sur le profil du ravisseur. Le Premier ministre Tony Abbott a évité au maximum d’employer des mots comme « terrorisme », préférant parler d’« incidents ».
Peu après la fin de l’assaut, la police a donné des informations, notamment sur les victimes. Mais il reste encore beaucoup d’incertitudes. Tout d’abord sur les deux victimes. Comment sont-elles mortes : à cause de tirs de la police ou du ravisseur ? On ne le sait pas et une enquête a été ouverte. De même, que s’est-il passé pendant les 16 longues heures de la prise d’otages ? Dans quelles conditions ont été retenues les 17 personnes ?
Questions aussi le preneur d'otages : comment Man Haron Monis a-t-il pu rester en liberté – malgré sa longue histoire judiciaire – il était accusé de complicité de meurtre et de harcèlement sexuel, entre autres. Et pourquoi n’était-il pas sur les listes de surveillance appropriées ? a demandé ce mardi le premier ministre Tony Abott, promettant que ces questions seraient posées dans les jours et les semaines à venir.
A la Une de la presse australienne
La presse australienne revient très largement sur les circonstances du drame, l'identité du preneur d'otage et le courage des otages. On y découvre par exemple les visages des deux otages tués. Ces deux victimes saluées comme des héros sont Katrina Dawson, une avocate de 38 ans, mère de trois enfants, et Tori Johnson 34 ans, le manager du café Lindt, où s'est déroulé le drame. Le jeune homme aurait été tué selon le Daily Telegraph en tentant de s'emparer de l'arme du preneur d'otage. D'autres visages apparaissent en Une des principaux journaux australiens ce matin, ceux des 15 autres otages qui sont sortis indemnes suite à l'assaut lancé par la police.
Un assaut qui a mis fin à plus de 16 heures de calvaire sous la menace d'une arme par un cheikh autoproclamé, décrit par la presse australienne comme déséquilibré. Mais à l'heure du recueillement, surgissent aussi de nombreuses questions sur l'identité du preneur d'otages, son parcours, ses motivations. Man Haron Monis était-il un terroriste ou un individu mentalement instable, ou les deux à la fois ? Ce qu'il a réussi, admet le Sydney Morning Herald, c'est d'attirer sur lui l'attention du monde entier pendant 24h.