De notre envoyé spécial à Londres, Christophe Paget
L’Afghanistan est toujours en très grande difficulté économique – sans parler de la guerre. Ces deux dernières semaines, la capitale Kaboul a été frappée par de nombreux attentats, au moment où la force de l’Otan en Afghanistan se prépare à ne laisser que quelques milliers d’‘hommes sur place.
Mais grâce à l'aide internationale déjà versée, des progrès ont été faits. « Quand on visite ce pays, on constate quand même qu’il y a eu quelques changements, notamment les routes, même si la qualité n’est pas très bonne, mais qui relient les différents points du pays, explique Karim Pakzad, chercheur à l’IRIS. Il y a eu quelques efforts sur le plan de l’éducation, plusieurs millions d’élèves, garçons et filles, vont à l’école, même, encore, si il y a des enfants qui ne bénéficient pas de l’instruction. Sur le plan de la santé, également, il y a plus d’hôpitaux, il y a plus de dispensaires. Il y a eu quelques efforts qui ont été fait. La critique est adressée aussi bien à la communauté internationale et au gouvernement afghan, c’est que le progrès accompli par rapport à la somme dépensée n’est pas vraiment important ».
Une corruption endémique
Le problème, c’est la corruption au sein du gouvernement afghan et le gaspillage de l’aide internationale. Lors de chaque conférence pour l’Afghanistan, l’aide est conditionnée à des réformes mais sur le terrain, rien n'avance, d’où un certain découragement des donateurs.
Certes, c’est un nouveau président afghan qui arrive à Londres, Ashraf Ghani, entré en fonction fin septembre.
Il a commencé à prendre des dispositions pour lutter contre la corruption mais, selon Karim Pakzad, elles ne peuvent qu’être symboliques. « Symboliques pour une simple raison : en fait depuis les élections controversées de juin dernier, il y a un gouvernement d’union nationale. Malheureusement, ce gouvernement d’union nationale n’a pas réussi jusqu'à aujourd’hui, c'est-à-dire deux mois après sa formation, à former un gouvernement. Il n’y a pas d’accord sur le nombre des principaux ministres, notamment le ministre des Affaires étrangères, des Finances, de l’Intérieur, de la Défense… C’est la raison pour laquelle des anciens ministres, à titre exceptionnel, accompagnent le président à la conférence de Londres ».
La crise au Moyen-Orient en concurrence
Or, les pays donateurs voulaient éviter de traiter avec l’équipe sortante. Ashraf Ghani devra donc se montrer très convainquant d’autant que l’Afghanistan n’est plus le principal souci des pays donateurs. « Un des donateurs remarquables sur l’Afghanistan, c’est la Suède, explique Jean-Luc Racine, directeur de recherche au CNRS. Or la Suède va probablement baisser son aide à l’Afghanistan parce qu’elle augmente son aide pour faire face à la crise Syrie et de l’Irak. De façon assez symptomatique aussi, une partie des ministres des Affaires étrangères vont arriver à Londres en retard parce qu’ils auront, le même jour, la conférence de l’Organisation de sécurité et de coopération en Europe, qui a sur le menu, la crise ukrainienne ».
La société civile afghane fait pression
Mais, malgré les autres points de tension de la planète, l'objectif de Londres devrait être justement de montrer que, malgré tout, on n'oublie pas l'Afghanistan. Pour s'en assurer, certains membres de la société civile afghane étaient réunis mercredi en forum à Londres. « Ce que l’on veut, c’est un engagement, et que le suivi soit assuré, assure Naeem Ayubzada, le président de la Fondation afghane pour des élections transparentes. On ne peut pas tout faire pendant ces deux jours. Ici, on participe à une sorte de spectacle… Mais ce qui est important c’est qu’il y ait un suivi de ce qui va être dit, des engagements que va prendre le gouvernement afghan. Et nous nous concentrons là-dessus : s’il n’y a pas de suivi, ça devient extrêmement compliqué de faire en sorte que quelque chose se passe en Afghanistan ».