De notre correspondant à New-Delhi
Le profil de cette première dame, Jashodaben Modi, est un peu particulier. Elle est en effet mariée avec Narendra Modi depuis 45 ans. Mais n'a jamais vécu avec lui. Pour la simple et bonne raison que les deux ont été unis par leurs parents, quand ils étaient mineurs et vivaient encore dans leur foyers familial respectif. Au moment où Narendra Modi a atteint la majorité, il a refusé d'honorer ce pacte conclu par ses parents, et il est parti sur les routes avec les militants hindouistes du RSS, abandonnant, en quelque sorte, son épouse légale.
Mais il n'a jamais divorcé, sûrement parce que cela est encore mal accepté par beaucoup d'Indiens. Ainsi, les deux époux ont embrassé des parcours très différents : alors que Narendra gravissait les échelons au Gujarat, depuis sa maison de village sans toilettes jusqu'au siège de chef du gouvernement de l'Etat, Jashodaben, elle, est devenue institutrice, aujourd'hui à la retraite. Et a toujours vécu chichement, dans une petite chambre sans eau courante ni toilettes, où elle faisait elle-même le ménage et lavait ses vêtements.
Une cible potentielle
Mais bien sûr, la situation est devenue un peu plus complexe quand Narendra Modi a été élu Premier ministre. Car cette épouse est ainsi devenue une cible potentielle, un moyen de menacer Narendra Modi. Pour éviter que cela arrive, cinq policiers en civil sont déployés en permanence pour la protéger. Et cela n'est pas du tout du goût de cette femme modeste.
Jashodaben Modi a déposé cette requête afin de connaître au nom de quelle directive, ordre ou protocole, elle doit supporter ce service de sécurité : dans sa lettre de trois pages, elle explique d'abord que ces hommes armés l'effraient plus que la rassurent. « Indira Gandhi a été assassinée par ses propres gardes du corps, je veux donc tous les détails sur le profil de ces policiers », écrit l'enseignante en parlant de l'ex-Premier ministre, tuée il y a 30 ans.
Et il y a aussi des problèmes pratiques qui révèlent de manière flagrante la différence abyssale entre les vies des deux époux : « Quand je me déplace, je suis à pieds et en transports en commun, et les gardes me suivent en voiture », relate l'ex-enseignante de 62 ans. Et de rajouter: « Si tel est le protocole, aurais-je aussi le droit à ce confort ? » Peut être qu'au bout de 45 ans, la femme de Narendra Modi pourrait enfin recevoir quelque chose de son mari et Premier ministre.