Avec notre correspondant à Bangkok, Arnaud Dubus
Deux grenades M79 ont été lancées sur des manifestants antigouvernementaux qui dormaient au pied du monument de la démocratie, dans le quartier historique de Bangkok. Les explosions ont été suivies de coups de feu. Le bilan de l'attaque est de trois morts et 21 blessés.
Plusieurs incidents de ce type ont eu lieu depuis la destitution de la Première ministre pour abus de pouvoir par la Cour constitutionnelle. Une décision qui a provoqué la colère des partisans de Yingluck Shinawatra. On s’achemine clairement vers un point de rupture, alors que le mouvement antigouvernemental réclame la nomination d’un Premier ministre par le Sénat et les tribunaux d’ici à vendredi. Sinon, disent les leaders du mouvement, « nous prendrons les choses en main ».
Il devient extrêmement difficile d’entrevoir une voie de sortie de crise qui ne provoque pas de violences. Le parti au pouvoir, « Pour les Thaïs », a dû céder beaucoup de terrain depuis une semaine et les ministres restants sont assaillis par le mouvement d’opposition. Frustrés par les tribunaux, persuadés qu’une vaste conspiration est à l’œuvre, les plus radicaux des partisans du clan politique Shinawatra se tournent vers l’action violente. Une tendance qui risque de fortement augmenter si ce qui reste du gouvernement est renversé. Ce jeudi dans la matinée, la commission électorale thaïlandaise a appelé au report des élections législatives du 20 juillet, en raison des violences.
Déclaration exceptionnelle du chef de l'armée de terre
La crise a atteint un tel niveau que le chef de l'armée de terre a menacé, ce jeudi 15 mai, d'intervenir militairement. Un événement rare, l'armée étant restée jusque-là en retrait par rapport aux événements. « Si les violences continuent, les militaires devront peut-être sortir (...) pour restaurer la paix et l'ordre », a ainsi fait savoir Prayuth Chan-O-Cha dans un communiqué, ajoutant que ses troupes « pourraient avoir besoin de recourir à la force ». Le fait qu’il ait fait cette déclaration dans un communiqué officiel lu par son porte-parole en renforce encore la portée. Il a aussi demandé aux différentes parties en conflit politique de cesser de critiquer l’armée – critiques qu’il a jugées inacceptables.
La déclaration du chef de l’armée n’indique pas forcément qu’un coup d’Etat est à portée de main. Les militaires pourraient simplement renforcer leur déploiement dans la capitale pour enrayer l’augmentation des incidents violents et rétablir l’ordre. Mais il est clair que depuis plusieurs mois, l’Etat thaïlandais fait preuve d’une grande faiblesse pour ne pas dire d’une totale absence. L'occupation par les manifestants anti-gouvernementaux d'un bâtiment du siège du gouvernement en est le symbole. Et devant le vide du pouvoir et le chaos grandissant, l’armée fait figure de seule institution solide dans le royaume.
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