Pas de fête du 1er mai pour les travailleurs chinois

Trains bondés, parcs et musées pris d’assaut : pour la nouvelle classe moyenne chinoise, le 1er mai est surtout un week-end prolongé avec deux jours chômés. Ici, pas de défilé du Parti communiste ni de rassemblements ouvriers. Les employés qui osent revendiquer leurs droits, souvent mis à mal par des patrons voyous et des syndicats muselés, doivent craindre une arrestation. Pourtant, les conflits sociaux se multiplient.

La Chine ne connaît pas de syndicats indépendants, il n’existe qu’un syndicat unique, traditionnellement plus proche du gouvernement et des patrons que des travailleurs. Alors, pour défendre ses droits en tant qu’ouvrier, il vaut mieux descendre au 3ème sous-sol d’un immeuble dans le quartier commercial de Wangfujing au centre de Pékin, à côté d’un hôtel de luxe. C’est ici, dans les bureaux sans fenêtres de l’association Petits oiseaux que Ning Haiqing, 47 ans, est venu chercher conseil.

Aide cuisinier dans une usine de fabrication de pièces automobiles, Ning n’a pas reçu sa dernière paie, après avoir été licencié par son patron. « J’ai travaillé onze à douze heures par jour, sept jours sur sept pour toucher 250 euros par mois, raconte cet homme au visage pâle et aux traits tirés, je suis même tombé malade pour avoir porté des charges trop lourdes, mais je n’ai pas d’assurance, rien. »

Les avocats bénévoles jouent le rôle des syndicats

Comme beaucoup d’ouvriers, Ning Haiqing n’a jamais fait appel à un syndicat. Il préfère faire confiance à une organisation non gouvernementale comme Petits oiseaux. Ici, les bénévoles jouent le rôle des syndicats. En 15 ans d’existence, plus de 170 000 ouvriers ont appelé le numéro vert de l’ONG pour chercher de l’aide auprès des avocats comme Wang Ming. « Parmi les problèmes que rencontrent les ouvriers, témoigne ce dernier, le plus grave est le non paiement de salaire et d’assurance. La majorité des ouvriers défendent leurs droits seuls face au patronat. Une minorité ose aller devant les tribunaux. Pour le gouvernement, la priorité est de maintenir l’ordre. Donc, il ne veut pas voir des protestations collectives d’envergure. »

Les abus sont nombreux, même si depuis 2008, il existe une loi qui condamne les patrons à payer une amende s’ils refusent un contrat de travail à leurs employés. Mais les conditions de vie et de travail de millions de travailleurs migrants restent toutefois extrêmement précaires. Rendez-vous pris avec Wang Gouliang de l’ONG Petits oiseaux pour une distribution de sacs de santé, près d’un dortoir où les ouvriers d’un chantier vivent à sept dans une pièce de dix mètres carrés.

Une aide bien dérisoire

« On leur donne une moustiquaire, un savon et un manuel pour les aider à s’intégrer dans la ville », explique Wang Gouliang, conscient que cette aide reste dérisoire. A notre question de savoir si les syndicats remplissent leur rôle pour défendre les droits des travailleurs, Wang Gouliang reste évasif et fait comprendre que le sujet est trop sensible pour être abordé.

Pour organiser un véritable mouvement social, il faut beaucoup de courage en Chine. La police surveille étroitement la moindre grève et arrête les meneurs, comme récemment à Dongguan dans le bassin industriel du sud de la Chine. Là-bas, près de 40 000 ouvriers de l’usine de chaussure Yue Yuen avaient arrêté le travail pendant plus de deux semaines pour exiger des allocations sociales et des pensions non payées par l’usine. Une grève surveillée de très près par des centaines de policiers.

Patronat et ouvriers : le rapport de force se durcit

Alors, comment défendre les droits des travailleurs dans un pays où les autorités craignent comme la peste tout soulèvement populaire ? « S’il s’agit d’une question judiciaire, on peut leur donner des conseils au téléphone, explique encore Wang Gouliang, s’il s’agit de salaires non payés et de maladies dues au travail, avec preuve à l’appui, on les accompagne dans l’usine pour négocier directement avec les patrons. Si aucune solution n’est trouvée, on a recours à la justice. »

Les rapports de force entre patronat et travailleurs se sont durcis ces dernières années, et depuis début 2014 le nombre de grèves est en hausse de 30 % selon l’ONG China Labour Bulletin. Les raisons sont multiples : d’un côté, la croissance ralentit et les coûts de production sont en hausse - les patrons sont donc sous pression. Mais de l’autre, la demande de main d’œuvre est telle que les travailleurs sont devenus plus exigeants. Par ailleurs, les jeunes n’ont plus la même peur de la répression que leurs parents et s’organisent sur les réseaux sociaux.

Aux conflits sociaux, le gouvernement répond par la carotte et le bâton. Par exemple à Dongguan, pour mettre un terme à la grève, les autorités ont donné l’ordre aux chefs de l’entreprise de satisfaire les doléances de leurs employés, mais une fois obtenu gain de cause, elles ont poussé les grévistes à retourner au travail. La priorité absolue de Pékin est de préserver la stabilité politique et le calme social.

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