Voiture en flamme place Tiananmen: la piste ouïghoure privilégiée par la police

A Pékin, la police et les enquêteurs sont sur les dents depuis ce lundi 28 octobre en raison d’une «affaire» qualifiée de « majeure» par les autorités. Une voiture a foncé sur la foule lundi avant de s'enflammer et de s'encastrer dans une barrière. Le bilan est de 5 morts et 38 blessés. La police privilégierait la piste de militants ouïghours de la région du Xinjiang et l'agence Reuters cite une source anonyme confirmant la thèse de «l'attaque suicide».

Les informations sont diffusées au compte-gouttes et de manière très imprécise, témoigne notre correspondant à Pékin Stéphane Lagarde. Une grande majorité des Chinois ignorait encore ce matin ce qui s’est passé à Tienanamen hier : un véhicule 4x4 a roulé sur un trottoir pendant plusieurs dizaines de mètres avant de s’enflammer au pied du portrait de Mao devant la Porte céleste de la Cité interdite, symbole du pouvoir chinois. L’incident a été qualifiée « d’attaque suicide », après qu’un avis de recherche ait été diffusé dans les hôtels de Pékin et de ses environs.

Le document porte deux noms de suspects à consonance ouïghoure, qui tous deux disposent d’un permis de résidence fait à Hotan et à Lukqun, une ville de la province du Xinjiang où au moins 35 personnes ont été tuées et 25 autres blessées en juin dernier dans l’attaque au couteau d’un commissariat et de bâtiments officiels chinois.

→ à (re)lire : Des morts et des blessés place Tiananmen à Pékin

La police serait également sur la piste de quatre véhicules immatriculés au Xinjiang, province musulmane de l’extrême-ouest chinois selon l'avis de recherche. « Une jeep de couleur claire immatriculée au Xinjiang est par ailleurs recherchée (…) Pour éviter tout nouvel attentat des personnes suspectes et des voitures suspectes, nous demandons à tous les hôtels de la ville de faire le travail de contrôle des clients qui sont arrivés depuis le 1er octobre. Merci de vérifier à la fois les voitures dans lesquelles les clients sont arrivés, et les voitures garées devant les hôtels » conclut ce communiqué qui semble indiquer que d’autres attentats pourraient être en préparation.

→ Lire aussi : la piste ouïghour sur le blog Encres de Chine de notre correspondant

La police de Pékin se refuse pour l’instant à tout commentaire. Même silence du côté du bureau de la propagande de la province du Xinjiang, contactée à plusieurs reprises par RFI.

Pour l’instant, seuls les quotidiens anglophones chinois comme le Global Times ou le service anglais de CCTV évoquent les deux suspects du Xinjiang. Aucun média n’a diffusé cette annonce en mandarin. La piste ouïghoure n’est pas confirmée par l’agence Chine Nouvelle. Toutes les informations concernant la place Tiananmen et le Xinjiang restant extrêmement verrouillées en Chine.

Du côté de la communauté ouïghour, on note beaucoup d’inquiétude ce matin. « Les autorités doivent expliquer si cet avis de recherche émis hier par la police de Pékin a un rapport quelconque avec l’explosion sur la place Tiananmen, souligne l’intellectuel Ilham Tohti, joint par téléphone par la rédaction chinoise de RFI. A un moment si particulier, cet avis de la police mentionne deux personnes recherchées d’origine ouïghoure. Veut-il laisser entendre ou insinuer quelque chose ? Je ne sais pas. Mais, avant d’avoir une quelconque preuve, il est irresponsable de désigner les Ouighours coupables. »

Contexte international

Selon, l'intellectuel ouïghour, les raisons pour lesquelles les soupçons de l’opinion publique se tournent aussi vite vers les Ouïghours sont claires. « D'une part, les medias ne sont pas libres en Chine. Les medias officiels ont souvent - peut être involontairement -, diabolisé l’image des Ouighours. D'autre part, les Ouïghours souffrent aussi d’un contexte international à l’égard de l’islamisme qui laisse imaginer que les musulmans sont des terroristes. Et enfin, il y a une profonde incompréhension entre les peuples ouïghour et Han (ethnie majoritaire en Chine), alors qu’un sentiment nationaliste se développe fortement chez les Han ces dernières années.

Ilham Tohti se dit par conséquent « très inquiet que cet incident n'empire davantage la situation quotidienne des Ouïghours même s’il s’avère à la fin qu’ils n’avaient rien à voir avec cette explosion. »

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