Avec notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde
C’est ce que pudiquement on appelle en Chine les zhao tai fei, autrement dit des «frais d’accueil» destinés à «aider la production et le commerce des entreprises», comme les définit le dictionnaire en ligne du moteur de recherche Baidu. Au total, 800 millions de yuans, près de 100 millions d’euros, ont ainsi été dépensés en repas au restaurant, en nuits d’hôtels, en frais de transports, de karaokés, et souvent en cadeaux offerts aux clients de l’entreprise de construction des chemins de fer chinois, affirment ce lundi les enquêteurs.
Séances de critique publique
« Les responsables de la Commission de discipline ont pris très au sérieux cette affaire, a fait savoir ce matin Qiang Weidong. Nous avons mis en place une équipe spéciale pour surveiller les enquêtes au sein de l’entreprise. Ces frais d’accueil ont été dépensés légalement mais nous avons constaté des problèmes sur les factures et leur remboursement» a ajouté le chef de la commission de discipline du département des Ressources d’Etat. Un euphémisme quand on sait que ce genre de cadeau est aussi une manière parfois de faciliter les contrats. Selon la commission disciplinaire affiliée au département des Ressources d’Etat, 57 employés ont été critiqués publiquement au sein de l’entreprise, 8 d’entre eux font l’objet de sanctions internes et l’un des responsables a même été déféré vers la justice. L’entreprise de construction des chemins de fer chinois a réalisé 790 milliards de yuan d’investissements l’année dernière. Et elle est présente aujourd’hui dans 60 pays et notamment sur de très nombreux chantiers d’infrastructures en Afrique.
Faire un exemple
Ces sanctions n’entravent pas le bon déroulement des affaires, bien au contraire, ajoute encore la Commission de Discipline, selon laquelle les revenus de l’entreprise ont fait un bon de 26,1 % entre janvier et juin dernier, alors que dans le même temps les «frais d’accueil» ont diminué de 20 %. Ces révélations concernant l’entreprise de construction des chemins de fer chinois sont parues en mars dernier. Dès le printemps, Wang Qishan, l’un des sept nouveaux membres du sacro-saint comité permanent du bureau politique du Parti communiste chinois désigné par le 18ème Congrès et nouveau patron de la toute puissante Commission centrale de contrôle de la discipline, a demandé aux enquêteurs de soigner cette affaire.
Pékin tenait à faire un exemple d’où la publicité donnée au scandale dans la presse ce lundi et sur le site internet de la commission centrale de Discipline inaugurée le mois dernier. La moralisation des règles de conduite et l'appel à la frugalité sont destinés également à faire passer la pilule des réformes économiques. Selon toute attente, le 3ème plénum du Parti communiste chinois, fin novembre prochain, devrait décider d’une mise au régime des grandes entreprises chinoises d’Etat.