70% des sondés chinois veulent interdire les bains publics aux séropositifs

Les séropositifs seront bientôt interdits dans les spas et les bains public en Chine. Ce n’est pour l’instant qu’un projet de loi rendu public par le Conseil des affaires de l’Etat, mais la mesure soumise à la consultation jusqu’au 11 novembre prochain n’a pas manqué de susciter la polémique. L’agence de l’ONU pour la lutte contre le sida (Onusida) s’est déclarée opposée à cette mesure discriminante. Ce point de vue est loin d’être partagé par l’opinion chinoise.

Selon le site du ministère chinois du Commerce, auteur de la proposition, ce nouveau texte de loi, s’il est adopté, obligera les établissements de spas et de bains publics à installer des panneaux interdisant l’entrée aux « personnes porteuses d’une maladie sexuellement transmissible, du virus HIV et de pathologies cutanées contagieuses ». Une mesure, précise le ministère, destinée à « régulariser le marché des sociétés de bains et des clubs de remise en forme (et) à protéger l’intérêt des clients et des patrons de ces établissements ». Le texte a été mis en ligne le 11 octobre dernier. Les internautes ont maintenant un mois pour se prononcer.

Levée de bouclier sur les réseaux sociaux

Les citoyens peuvent réagir par courrier, email ou directement sur le site du ministère. Au-delà des canaux officiels, c’est sur les réseaux sociaux que se manifeste l’opposition la plus vive, notamment de la part des associations de défense des malades. Certains critiquent une loi sans fondement : « Ce projet de loi ne repose sur aucune base scientifique, estime ainsi Yang Wang Tian Kong De Xiao Sha, comment pouvez-vous imaginer que le virus puisse se transmettre en prenant un bain ? » Certains voient même les choses de manière plus crue : « C'est sûrement une idée sortie du cul d'un fonctionnaire imbécile, affirme ainsi Bei Shou Lon. On sait très comment se transmet le sida ». D’autres croient que la mesure est inapplicable. Comment voir qui est séropositif ou non à l’entrée des bains, s’interrogent notamment les patrons d’établissements visiblement inquiets et parmi les premier à réagir. Sans parler évidemment de ceux qui condamnent le caractère discriminant de la loi. Le dissident Hu Jia qui s’est battu notamment pour les victimes du sida du Henan s’emporte sur Twitter contre « la propagande du parti communiste chinois » qui fait qu’aujourd’hui « la Chine se retrouve à la première place dans le monde en matière de discrimination des malades ».

Lieux de rencontre pour homosexuels

« Les opposants à la mesure sont bruyants, mais ceux qui sont en faveur sont également nombreux », indique ce mardi les Nouvelles de Pékin. Selon le quotidien, 70% des personnes interrogées se disent favorables au projet de loi. C’est le cas aussi de certaines associations de prévention de la maladie. « Ce projet n’arrive pas par hasard mais après de nombreux rapports qui indiquent que les bains public sont devenus un lieu de contamination important », estime notamment Zhang Hailong. Les saunas en Chine constituent l’un des rares lieux de rencontre pour une communauté homosexuelle encore ostracisée : « Certains porteurs du virus veulent se venger de la société et font l’amour sans prévenir leur partenaire de leur maladie, poursuit le responsable de la communication de l’association Jingjing Tongxin. C’est un phénomène de plus en plus fréquent que nous constatons lors de nos permanence ».

Comment expliquer ce phénomène d’adhésion de l’opinion ? « C’est la peur de la maladie qui provoque la discrimination », estime Lu Jiahai, professeur de santé publique à l’université de Jongshan à Canton. Une crainte partagée sur le web par Minganciniepan (pseudo). « Comment faire si une femme porteuse du sida a ses règles et vient s’asseoir avec nous dans le bain », demande ingénument cette internaute. Le constat est amère pour les Nouvelles de Pékin : « Malgré les efforts du ministère de la santé pour réduire la discrimination vis-à-vis des porteurs du virus, l’opinion reste hostile aux malades » écrit l’éditorialiste du journal ce mardi.

Interdiction de se marier dans le Sichuan

Ce n’est pas la première fois que les 780 000 séropositifs que compte le pays se retrouvent ainsi stigmatisés. Si l’accès aux traitements antiviraux gratuits a été facilité récemment, la maladie reste discriminante notamment à Chengdu. Depuis 2000, la capitale du Sichuan à l’ouest du pays interdit par exemple aux porteurs du virus de se marier ; les unions en Chine étant - jusqu’à 2003 - précédées d’examens de santé obligatoires. Les examens ont toujours lieu aujourd’hui mais sur la base du volontariat. Les discriminations envers les séropositifs restent un problème également important sur les lieux de travail. Il existe ainsi un véritable plafond de verre pour les victimes du sida dans les hôpitaux et à l’école.

Depuis 2010, quatre porteurs du virus ont porté plainte contre l’Education nationale pour discrimination à l’embauche. Après avoir passé les tests oraux et écrits avec succès, ils ont été recalés à l’épreuve physique suite, là encore, à un examen de santé qui a révélé leur maladie. Signe toutefois que les mentalités évoluent : en janvier 2013, le bureau de l’éducation de la province du Guangdong (sud) a proposé d’interdire aux séropositifs l’accès au poste d’enseignant. Le projet de loi a été soumis à consultation et il a été rejeté suite à un fort mouvement de protestation. Depuis le 1er septembre les nouveaux règlements précisent que les personnes porteuses du virus peuvent enseigner à Canton. Une autre décision a relancé l’espoir des militants et des associations. Un juge a donné raison cette année à un professeur qui s'était vu refuser un poste en raison de sa séropositivité. Le bureau de l'éducation d'un district de la province du Jiangxi a été condamné à lui verser 45 000 yuans (près de 5 500 euros) d'indemnités.

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