La jeune femme rentrait du cinéma avec son compagnon, le 16 décembre 2012. Tous deux ont été piégés à bord d’un bus privé et agressés par six hommes dont le chauffeur, partis en « tournée de réjouissance ». L'étudiante de New Delhi, âgée de 23 ans, a été violée et torturée avec une barre de fer. Son compagnon a été violemment battu. Après les avoir jetés dans la rue, les agresseurs ont tenté de leur rouler dessus. La jeune femme est morte des suites de ses blessures.
Soulignant l’extrême cruauté du crime, le procureur avait déclaré lors de sa requête : « Les gens ne croiraient plus en la justice si le châtiment le plus sévère n’était pas décidé. » Le verdict a été accueilli par des applaudissements, à l’extérieur comme à l’intérieur du palais de justice, où d’importantes forces de police avaient été déployées. Les avocats des quatre condamnés ont dénoncé un jugement politique et annoncé qu’ils feraient appel, ce qui va repousser de plusieurs années la conclusion judiciaire de l’affaire.
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L'indignation a été massive dans le pays. Au lendemain du décès de la jeune fille, les festivités du nouvel an avaient été annulées. Des milliers de femmes sont descendues dans la rue pour des veillées aux bougies, et les manifestations se sont succédé pour dénoncer la passivité de la police, de la justice et même du corps médical dans les affaires de crimes sexuels et de violences faites aux femmes.
Au mois de mars, le gouvernement a renforcé la législation sur les violences sexuelles, en instaurant une peine minimum de 20 ans de prison pour le viol collectif, et la peine capitale si le viol entraîne le décès de la victime. Il a également pris des mesures de prévention, avec l’augmentation du nombre de lignes téléphoniques à la disposition des victimes et la mise en place d’un accueil spécifique pour les femmes dans les postes de police - l’institution policière indienne comprend moins de 10% de femmes.
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Depuis le début de l’année, les langues se délient. Les femmes hésitent de moins en moins à dénoncer les agressions et à porter plainte, comme le constatent les associations et les ONG. Et les chiffres explosent : selon les dernières données de la police, 1 036 cas de viols ont été signalés à New Delhi dans les 12 derniers mois, contre 433 l’année d’avant. En Inde, un viol est signalé toutes les 21 minutes et les attaques à l'acide sont fréquentes. Moins d’un quart des affaires signalées en 2011 ont débouché sur une condamnation.
Mais il faudra du temps pour faire évoluer la société. En témoigne cette décision de la police d'une agglomération de Bombay : après l'affaire de décembre, elle a mis en place une brigade anti-harcèlement pour verbaliser les femmes seules et les couples qui se promènent une fois la nuit tombée. Ou cet autre exemple, les déclarations d’un homme politique selon lequel les mannequins en bikini affectaient l’état d’esprit des hommes et avaient un impact sur le taux de criminalité. L’idée que la femme est coupable est encore bien ancrée dans la population.
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Cette affaire illustre assez bien les conclusions d'une récente enquête de l'ONU sur le viol en Asie (disponible ici en anglais). L’étude menée dans six pays (dont l’Inde ne fait toutefois pas partie) révèle qu’un homme sur quatre reconnaît avoir commis un viol, et que les trois quarts des violeurs pensent qu’avoir des rapports sexuels avec une femme est un droit, qu'elle le veuille ou non.
Cette condamnation pose par ailleurs la question de la peine capitale. L'Inde avait pratiquement abandonné cette pratique dans les faits, mais les exécutions reprennent. Le président de la République, Pranab Mukherjee, a rejeté onze demandes en grâce depuis sa prise de fonction en juillet 2012. Et les propos de Ghandi, repris par les organisations des droits de l’homme, « Œil pour œil et le monde finira aveugle », ont peu de chance d’être entendus après le verdict de ce 13 septembre.
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