De notre correspondant à Pékin
C’est par une gifle que l’affaire Bo Xilai a démarré, et la gifle est revenue ce samedi au tribunal intermédiaire numéro 3 de Jinan, dans l’est de la Chine. Les faits remontent au 29 janvier 2012. Wang Lijun, patron de la police de Chongqing, et proche de Bo Xilai, alors secrétaire général de cette mégalopole du sud du pays, vient avertir son patron du « cas 11.15 ». C’est ainsi que les enquêteurs ont classé la découverte le « 15 novembre » du cadavre d’un citoyen britannique, Neil Heywood, empoisonné la veille par Gu Kailai, la seconde épouse de Bo Xilai.
Du sang dans l’oreille
A peine franchie l’entrée, Bo lui a hurlé dessus de manière « très vulgaire », raconte Wang Lijun à l’audience. Puis il a contourné son bureau et a donné une claque au patron de la police. « Ma bouche saignait et un liquide s’écoulait de mon oreille », confie ce dernier. Bo a ensuite pris ses lunettes et les a écrasées par terre, poursuit l’ex-super flic (aujourd’hui en prison pour défection, corruption et abus de pouvoir). On connait la suite : la fuite au consulat américain de Chengdu quelques jours plus tard, où Wang déballe tout.
C’est le début du plus grand scandale politique qu’ait connu la Chine en trente ans. Ce samedi, Bo Xilai a reconnu la gifle. Il dit aussi assumer une partie de la responsabilité de la tentative de défection de son ex-bras droit au consulat des Etats-Unis. Il nie en revanche le fait d’avoir tenté de couvrir le meurtre de son épouse, et donc l’abus de pouvoir dont on l’accuse. « Gu m’a convaincu, dit-il à la cour, qu’elle n’avait pas tué Heywood. »
Détournement de fonds publics
Un autre témoin se présente ensuite à la barre, un autre Wang : Wang Zhenggang était directeur du Bureau de planification rurale et urbaine de la municipalité de Dalian quand il a proposé en 2002 au maire de l’époque, Bo Xilai, d’utiliser l’argent détourné d’un projet de construction publique pour sa femme Gu Kailai et son fils Bo Guagua, qui étudiait à l’étranger. « J’ai refusé mais Wang est revenu à la charge (…) et m’a dit que si j’étais occupé, il pourrait en parler à Gu Kailai. »
Et l’ex étoile montante du parti communiste chinois d'ajouter qu'il a alors accepté qu’il lui en parle, par « manque d’attention ». « Après les discussions entre Gu et Wang, je ne suis pas allé enquêter. J’ai laissé glisser. C’était il y a plus de dix ans, et je ne me souviens plus très bien des détails (…) Cet argent était déjà entré sur le compte de ma femme, conduisant à un usage privé de l’argent public. »
Cadre idiot
C’est la première fois depuis le début de l’audience que Bo Xilai admet ainsi une « part de responsabilité ». Il réfute en revanche le témoignage suivant du même Wang Zhenggang quand ce dernier affirme avoir entendu l’ancien maire téléphoner à son épouse pour prendre livraison de l’argent.
« Wang se reprend sans cesse. Il y a tellement de contradictions de dates et de faits dans les déclarations de ce témoin-clé que le juge devrait, à mon avis, réévaluer sa crédibilité », affirme Bo Xilai. Alors, devant la cour, l’ancien membre du bureau politique du PC chinois n’est plus que mépris : « Même les cadres les plus idiots, dit-il, ne parlent pas de ce genre de chose au téléphone ! »